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13 décembre 2013 5 13 /12 /décembre /2013 10:36

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre de la Défense, mes cher(e)s collègues,

Aujourd’hui, la France est engagée militairement sur un nouveau théâtre d’opérations. C’est tout naturellement que mes premières pensées vont à nos soldats, dont nous connaissons l’engagement et le professionnalisme. Je tiens à saluer ici tout particulièrement le courage et le sacrifice de nos deux soldats tombés au combat.

Je ne reviendrai pas sur le détail des crédits alloués à chaque programme, car certains de mes collègues le feront mieux que je ne le ferais, je pense à Jacques GAUTIER et à Xavier PINTAT, qui n’ont pas ménagé leur peine pour que cette LPM puisse s’éloigner « du scénario du moins pire ».

Je souhaite aussi rappeler que notre commission, elle non plus, n’a ménagé ni ses efforts, ni ses publications, ni ses signaux d’alerte auprès du gouvernement.

Je pense notamment à la conférence de presse organisée à l’initiative du Président CARRÈRE, le 13 mars dernier, lequel, à juste titre, faisait sienne l’apostrophe de Danton en 1792, en déclarant « qu’aujourd’hui la patrie est en danger car sa défense l’est ». Il ajoutait : « Je suis en effet convaincu que notre sécurité serait compromise si les mesures de réduction de l’effort de défense qui sont envisagées étaient adoptées. C’est tout le sens de la démarche de rassemblement du Sénat que nous avons entreprise. »

Pour ces propos, pour votre pugnacité, pour cette démarche collective de responsabilité sénatoriale, je souhaite, Monsieur le Président CARRÈRE, vous remercier.

Cependant, 7 mois plus tard, les chiffres ont parlé d’eux-mêmes. Oui, Monsieur le ministre, il est bien dommageable que les travaux parlementaires du Sénat ne vous aient pas plus inspiré, vous-même, et votre collègue du budget, pour que soient alloués de réels moyens à notre défense nationale.

Après plus d’une année de mobilisation, force est de constater, non sans regret, que le résultat est décevant. Décevant, parce qu’entre la publication du Livre Blanc et le vote auquel nous procéderons dans quelques instants, la seule constance du gouvernement réside dans sa politique de communication. Je ne reviendrai pas sur les modifications et autres reports de crédits car la Défense n’est pas faite seulement de chiffres et de programmes.

Dans le même temps, nous avons assisté à une surenchère – toute verbale ! - en faveur de la puissance technologique. La réduction des budgets voudrait nous faire croire que l’on peut s’engager sur des théâtres d’opération avec moins d’hommes, à condition qu’ils soient sur équipés. Mais nous devons avoir les moyens de les soutenir tactiquement et logistiquement !

Personne ici ne reviendra sur la priorité absolue que nous devons accorder aux drones – mais la technologie n’est rien, si le professionnalisme et la réactivité des hommes ne sont pas au rendez-vous.

La Défense, ce sont d’abord et avant tout des femmes et des hommes dont l’engagement pour la Nation dépasse de loin les politiques partisanes et appelle le respect. Ce respect et cette gratitude doivent trouver d’autres formes d’expression que celle du recueillement devant les monuments aux morts, lequel ne suffit pas. En tant que parlementaires, il nous revient d’inscrire dans la loi les conditions de cette reconnaissance et la traduire dans les réalités et les contingences du quotidien.

Aussi, lorsque nous apprenons que le paiement des Indemnités de Service en Campagne de 2013 ne sera effectué qu’en 2014, notre devoir est de réagir. Qu’en serait-il si cette situation se produisait pour d’autres corps de fonctionnaires ?

Nous devons prendre la mesure des changements structurels et identitaires auxquels nos armées sont confrontées. Le turn-over issu de la professionnalisation a introduit une distorsion entre les officiers supérieurs aux longues carrières et les soldats engagés aux contrats courts.

Cela implique une gestion des ressources humaines novatrice pour d’une part, fidéliser les sous – officiers et de l’autre, réussir un « dépyramidage ».

Nous ne pouvons d’autre part attendre de nos soldats qu’ils soient motivés, bien formés et prêts aux sacrifices avec toujours moins de moyens et des matériels vieillissant.

Alors, dans cet environnement où la confiance n’est plus, et où les hommes s’angoissent face à la déliquescence de leur outil de travail, Monsieur le Ministre vous avez accepté, à l’Assemblée, la création d’une section consacrée au dialogue social.

Il est effectivement nécessaire que les militaires puissent obtenir un relais et une véritable prise en compte des problèmes qu’ils rencontrent au quotidien, face aux difficultés spécifiques de leur métier. À cet égard, il importerait que soit créée par le ministère de la Défense une cellule d’écoute ou d’échange, afin d’entendre et de gérer ce malaise que nous ne pouvons plus ignorer. Mais ce malaise, Monsieur le ministre, vous ne le résoudrez pas avec cette « arme d’apparat » qu’est le dialogue social et que l’on appelle dans la société civile le syndicalisme.

Oui, les militaires ont besoin d'espace de paroles mais uniquement au sein des armées et pour elles. Si vous ne préservez pas cette spécificité, c’est la fin des armées en tant qu’institution.

Si des officiers sont sortis du rang pour nous alerter de leur situation, c’est d’abord et avant tout parce qu’ils souhaitent plus de moyens pour exercer leur mission. Et ce ne sont pas des organismes de dialogue social qui les leur donneront.

Je me dois enfin d’attirer votre attention sur le point suivant qui me semble essentiel : les contraintes économiques ont vu naître une compétition militaire et industrielle pour les dotations publiques, ainsi qu’une concurrence de plus en plus ouverte entre les 3 armes. Cela est dangereux pour l’institution, pour son fonctionnement et pour sa cohésion. Au sein de nos hémicycles, tel parait soutenir plus l’armée de terre, tel autre défendrait la marine… Représentants de la Nation, nous devons nous garder de ces tentations et avoir pour seul objectif l’unité et la puissance de nos armées. Monsieur le Ministre, avec le Chef de l’État, vous en êtes les premiers garants.

Car la responsabilité des politiques tient à la globalité et la hauteur de vue. Les armées sont un ensemble, un tout, que nous devons préserver de telles dissensions et organiser au mieux, pour répondre et garantir la sécurité des français.

Monsieur le Ministre, à défaut de crédits, vous donnez la parole, mais ce n’est pas cela qui assurera la survie de notre outil de défense ou qui renforcera la cohésion au sein des armées. Indépendamment de cela, vous le savez parfaitement, cette LPM ne remplit pas les objectifs qu’elle affiche et notre Défense ne peut se contenter de votre vision courtérmiste. C’est ce pourquoi je voterai contre.

Par André TRILLARD Publié dans : Au Sénat

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