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9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 15:46
Charles Platiau/AFP
L’affaire Cahuzac déchaîne un véritable concours Lépine de démagogie des propositions les plus aberrantes.

De quoi s’agit-il ? Un homme, chirurgien, est au centre d’un scandale d’Etat monstrueux. Cet homme est de gauche. Il a d’abord exercé la chirurgie viscérale, mais il semble qu’avide d’argent, il ait trouvé que ce métier ne rapportait pas assez. Il s’est alors converti à la chirurgie esthétique afin de réimplanter des cheveux. Cette spécialité est beaucoup plus lucrative d’autant qu’elle n’est pas soumise à la même tarification Sécurité sociale que la chirurgie viscérale. Ses tarifs sont libres et l’argent au « black » devait circuler plus facilement. Loin de moi l’idée de dire que tous les chirurgiens esthétiques sont malhonnêtes, mais lui, Monsieur Cahuzac, l’était vraisemblablement puisqu’il a fait dire, par son avocat, que de grosses sommes d’argent étaient virées ensuite sur son compte suisse non déclaré.

Il a été aussi conseiller de Claude Evin, ministre de la Santé, jusqu’à 1991. Il s’occupait des relations avec les laboratoires. Les a-t-il favorisés ? Il faudra enquêter sur cette hypothèse. Après ce passage ministériel dans le cabinet d’un homme de gauche, il a créé une société de conseil, Cahuzac Conseils, pour faire bénéficier les laboratoires de ses relations. A-t-il reçu de l’argent « au noir » ? Il faudra là aussi faire une enquête.

Après une éclipse politique, il est revenu à l’Assemblée nationale où il est devenu, sur proposition de la gauche, président de la Commission des Finances. Son ascension politique ne s’est plus arrêtée là. Il est devenu ministre délégué au Budget, sous l’autorité de Monsieur Pierre Moscovici, ministre des Finances, pendant 10 mois. Il a été le chantre de la politique socialiste, montrant des capacités hors pair pour attaquer la droite avec des mots d’une virulence extrême. Il a été de gauche, sans concession, sans état d’âme.

Sur son parcours, il a été obligé - transparence oblige - de donner l’état de son patrimoine et de ses activités annexes à la Commission nationale de contrôle. Il a menti à plusieurs reprises. A la rubrique « avez-vous un compte à l’étranger ? », il a répondu par la négative.

La suite est connue de tous. Quand Monsieur Daniel Fasquelle, lors des Questions au Gouvernement, lui a demandé s’il avait un compte en Suisse, suite aux révélations de Médiapart, il a répondu qu’il n’en avait pas, les yeux dans les yeux. Lors des émissions qu’il a pu faire à la radio ou à la télévision, il a pu réitérer ses affirmations mensongères, toujours les yeux dans les yeux, avec un aplomb incroyable.

Voici maintenant que certains au PS font semblant de croire que la droite n’a pas joué son rôle en ne lui posant qu’une seule question sur ses comptes en Suisse. Le Premier ministre insinue que cette question n’était pas suffisante. Il oublie seulement les questions des journalistes, nombreuses et répétées. Madame Aurélie Filippetti en rajoute : l’UMP aurait dû s’acharner et poser plusieurs questions à Monsieur Cahuzac. On rêve !!!

Mais, si je ne me trompe, n’était-ce pas au gouvernement d’enquêter plus sérieusement ? Qu’ont fait Messieurs Moscovici, Valls et même le Premier ministre ou l’entourage du président de la République ? Il est trop facile et malhonnête d’accuser la droite d’un manque d’acharnement.

Alors, dans un grand mouvement de démagogie, les élus et les journalistes réclament une moralisation de la vie politique. Est-ce que d’après eux, tous les élus sont corrompus ? De nouvelles lois pourraient-elles éviter, à l’avenir, les mensonges du type de ceux de Monsieur Cahuzac ? Reprenons les propositions.

Déclarer le patrimoine des élus. Il est déjà déclaré à l’Assemblée nationale pour les députés et au Conseil d’Etat, en ce qui concerne les ministres. Ces déclarations sont épluchées, vérifiées avec minutie. Les rendre publiques changera-t-il quelque chose ? Rien ! Prenons l’affaire Cahuzac, il a déclaré son patrimoine. Aurait-il été rendu public, cela aurait-il changé quelque chose ? Il aurait menti tout autant et personne ne l’aurait remarqué. Cette proposition démagogique n’aurait rien changé au mensonge. Elle est faite pour faire croire à la culpabilité de tous. C’est une astuce pour faire oublier l’affaire Cahuzac.

Interdire le cumul des mandats. Est-ce à dire que ceux qui ont plusieurs mandats sont tous des escrocs ? C’est intolérable et le cumul des mandats est un sujet dont il faut débattre, mais en dehors de l’idée de corruption. C’est là aussi un écran de fumée.

Interdire le cumul avec l’exercice d’une profession. C’est encore plus stupide. Nous aurions comme élus de la République des retraités, des fonctionnaires ou des apparatchiks, sans aucune notion de la vie réelle des Français. J’ai un métier. C’est lui qui me rend libre vis-à-vis des électeurs, vis-à-vis de mon parti politique.

Seule l’interdiction faite aux élus condamnés pour corruption ou abus de biens sociaux serait logique. Le reste n’est que démagogie, rideau de fumée pour masquer l’affaire Cahuzac.

Mais il y a pire car cet acharnement pour rendre transparente la vie politique fait croire qu’il n’y a aucune transparence. Je vais citer deux exemples qui me sont arrivés.

Lorsque j’étais ministre de la Coopération, j’ai déclaré l’état de mon patrimoine détaillé et quand j’ai quitté mes fonctions, j’ai déposé un nouvel état de mon patrimoine. Le Conseil d’Etat m’a appelé car j’avais, pendant cette période, « perdu » une partie de mon patrimoine. Le Conseil d’Etat m’a demandé une explication sur cette perte. J’ai expliqué tout simplement que n’exerçant plus de profession pendant cette période et pour payer mes impôts, j’ai été forcé de faire un emprunt. C’est dire que le Conseil d’Etat avait bien vérifié et que cette information était vérifiable.

L’autre exemple date de 2012. Lorsque j’ai été réélu en 2007, j’avais mentionné sur ma déclaration de patrimoine que j’étais en possession de quatre petits appartements que j’avais achetés pour mes enfants. Entre 2007 et 2012, je les leur ai donnés pour qu’ils aient une sécurité en cette période de crise. Lors de la déclaration de patrimoine à la fin de mon mandat, l’inspecteur des impôts à la retraite qui fait ma déclaration a omis de mentionner qu’un de mes enfants avait reçu, par acte notarié, son appartement. La commission de l’Assemblée nationale m’a demandé des éclaircissements pour savoir ce qu’était devenu cet appartement. J’ai donc envoyé la lettre du notaire prouvant qu’il avait été donné à mon fils comme les autres.

Ces deux exemples montrent bien que les déclarations de patrimoine sont étudiées avec une très grande minutie et que rien ne peut passer au travers de ces études. Monsieur Cahuzac représente une toute autre affaire. Il a menti, non seulement au niveau de ses déclarations de patrimoine, mais aussi niveau du fisc. La loi rendant publique son patrimoine n’y aurait rien changé. Il existe donc un véritable contrôle du patrimoine des élus, effectué avec sérieux par des spécialistes.

J’ai été chef de service hospitalier à Cochin, avec une partie en secteur privé. Tout avait été déclaré au fisc, mais aussi à la commission de contrôle du patrimoine. Il n’y avait rien à redire et je ne vois pas en quoi ce métier ait pu être source de conflits d’intérêt, sauf peut-être lorsque j’ai opéré de multiples élus, qu’ils soient de droite comme de gauche…

Monsieur Cahuzac, lui, a parfaitement le droit d’avoir des relations avec les laboratoires. Le vrai problème est qu’il ne les a pas déclarées et qu’il a vraisemblablement, comme le dit de son avocat, reçu de l’argent « au noir ». Il a une nouvelle fois menti et une éventuelle loi sur la transparence n’y aurait rien changé.

Restons sereins car cette vague d’antiparlementarisme est extrêmement dangereuse. Je le répète, les élus, qu’ils aient ou non un métier, qu’ils aient ou non un autre mandat, sont pour l’immense majorité des gens honnêtes.

Alors, Monsieur Harlem Désir demande, lui, un référendum. C’est la pire des solutions car les propositions faites ne sont pas susceptibles de faire cesser les mensonges, les vols ou la corruption, par définition dissimulés. Mais j’ajouterais, avec un brin de méchanceté, que Monsieur Désir a été condamné et que cela ne l’empêche pas d’être Premier secrétaire du PS. Ses condamnations ne sont pas anodines, tout comme celles de Monsieur Cambadélis qui briguait également ce poste de Premier secrétaire.

Alors, un peu de retenue et si l’on veut que la démocratie survive à ces épreuves, évitons d’accabler tous les élus et de les mettre dans un même sac, évitons les fausses bonnes solutions. Réfléchissons peut-être à certains aménagements dans le cadre de la nécessaire stabilité de nos institutions ! Je dis simplement qu’il faut réfléchir ensemble, sans démagogie, sans précipitation. La précipitation actuelle masque un très grand embarras de la gauche.

Cet embarras est le résultat d’une campagne présidentielle basée sur la dénonciation du monde de la finance, nourrie d’une culture de la leçon de morale, leitmotiv d’une famille politique qui vient de trahir son électorat et, au-delà, l’ensemble des Français.


Pr. Bernard DEBRE

Ancien Ministre
Député de Paris
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