François FILLON est l'invité d'Europe 1 et rappelle que "les réformes très profondes que nous avons engagées, qui sont en train de transformer la société française" le Mardi 12 juillet 2011.
Jean-Pierre ELKABBACH
Monsieur le Premier ministre, bienvenue, merci d’être avec nous en direct…
François FILLON
Bonjour.
Jean-Pierre ELKABBACH
Pour traiter de l’actualité et des perspectives de la rentrée. François FILLON, merci d’être là. Ce matin - tout de
suite, 1 minute – est-ce que vous avez une pensée pour votre ministre de l'Intérieur, Claude GUEANT, qui subit à l’instant même un pontage coronarien, qu’il a révélé lui-même
d’ailleurs ?
François FILLON
Oui, bien sûr. Les ministres sont des hommes et des femmes comme les autres. Claude GUEANT est en ce moment même à
l’hôpital, où il se fait opérer du cœur, j’espère que tout se passera bien, et en tout cas je souhaite qu’il se rétablisse le plus vite possible, et mes pensées vont vers lui.
Jean-Pierre ELKABBACH
Il sera absent quelques semaines, ou il travaillera au ralenti, est-ce qu’il assurera, ou quelqu’un va assurer son
intérim ?
François FILLON
Non non, ses médecins nous ont indiqué qu’il serait absent une semaine, et qu’il reprendrait ensuite ses fonctions,
et je ne doute pas que ce sera le cas.
Jean-Pierre ELKABBACH
La surprise de l’aube. Le président de la République est en Afghanistan, c’est donc la stratégie du secret, de la
surprise, d’un président de la République.
François FILLON
Enfin tous les présidents de la République ou les chefs de gouvernement qui se déplacent en Afghanistan font la même
chose pour des raisons de sécurité, que chacun comprend bien. Le président de la République est allé en Afghanistan pour deux choses, d’abord pour, à la veille du 14 juillet, rendre hommage à
nos soldats, rendre hommage au très lourd tribut qu’ils ont payé, mais aussi et surtout pour leur annoncer qu’à partir de maintenant nous allons engager un premier retrait d’Afghanistan, de
1000 soldats, correspondant aux mêmes proportions que le retrait américain, qui vont quitter l’Afghanistan d’ici 2012. Nous allons concentrer les forces qui resteront, environ 3000 hommes, sur
la vallée de la Kapisa, qui est une des vallées dont nous avons la charge et qui n’est pas encore complètement sécurisée, et il va également leur indiquer que, en tout état de cause, en 2014,
les forces françaises auront totalement quitté l’Afghanistan.
Jean-Pierre ELKABBACH
Il n’y aura plus un soldat français en Afghanistan à la fin 2014.
François FILLON
Plus exactement, les forces françaises qui assurent la sécurisation sur le terrain auront quitté l’Afghanistan, et il
restera des forces pour assurer la formation des forces de sécurité afghanes, de l’Armée afghane, et surtout on fera un effort plus important en matière de coopération civile avec
l’Afghanistan.
Jean-Pierre ELKABBACH
Le président de la République était en train de le dire, et il a ajouté que c’était 1000 sur 4000. Barack OBAMA, lui
aussi, a décidé le départ par étapes de soldats américains jusqu’en septembre 2012, par hasard 1 mois avant l’élection de la Maison Blanche. Est-ce que la France, on va vous le dire, agit en
toute indépendance, ou vous faites comme eux ?
François FILLON
Nous sommes dans une alliance. Les Américains ont à peu près 130 000 hommes sur le terrain, nous en avons 4000,
ce serait un peu étrange d’avoir une stratégie différente à 4000. Je rappelle que c’est sous la présidence de Jacques CHIRAC et le gouvernement de Lionel JOSPIN que les forces françaises ont
été engagées en Afghanistan, dans un consensus qui était d’ailleurs assez large au plan national, et au moment où ces forces se sont engagées, elles se sont engagées derrière les Américains, et
personne, à l’époque, n’en n’a fait le reproche, puisqu’il s’agissait d’aller chercher BEN LADEN, ce qui a été fait.
Jean-Pierre ELKABBACH
Nicolas SARKOZY, chef des Armées, vient de dire « il faut savoir finir une guerre. » Or, c’est assez vrai
parce que, François FILLON, les Occidentaux savent déclencher des interventions militaires, mais ils ne savent pas sortir d’un conflit. Est-ce que cette leçon de Kaboul va
servir ?
François FILLON
D’abord ce n’est pas tout à fait exact. Nous avons récemment démontré en Côte-D’ivoire qu’on pouvait, en utilisant la
force de façon raisonnée, permettre à la démocratie de triompher, c’est ce qu’on va essayer de faire et c’est ce qu’on essaie de faire en Libye. C’est plus compliqué, naturellement, en Libye,
mais il y a des progrès depuis 4 mois, puisque, au fond, depuis 4 mois les forces de l’OTAN ont aidé les rebelles à reprendre du terrain, les rebelles ont repris du terrain, le colonel KADHAFI
est plus isolé que jamais, ses moyens militaires sont extrêmement réduits. Et puis toute la communauté internationale, qui au départ était hésitante, est désormais complètement sur la ligne qui
consiste à réclamer le départ du colonel KADHAFI pour engager des pourparlers politiques.
Jean-Pierre ELKABBACH
Cet après-midi, c’est vous, François FILLON, qui allez présenter à l’Assemblée le grand débat sur la Libye, si vous
voulez on en reparlera un peu plus tard, dans cet entretien, et de la Côte-D’ivoire aussi. Mais pour finir avec l’Afghanistan, 2014, les Afghans auront le pouvoir, c'est-à-dire que les
talibans gouverneront l’Afghanistan ?
François FILLON
Non Jean-Pierre ELKABBACH, on ne peut pas dire ça. Les talibans gouvernaient l’Afghanistan avant l’intervention
américaine et l’intervention alliée, ils ont été chassés du pouvoir. Il y a aujourd’hui un gouvernement, il y a eu des élections, il y a une Constitution en Afghanistan, pourquoi considérer, a
priori, qu’il n’y a aucun espoir d’instaurer un peu plus de démocratie, un peu plus de respect des droits de l’homme, en Afghanistan ? Je sais que c’est difficile, je ne l’ignore
pas…
Jean-Pierre ELKABBACH
C’est un pari.
François FILLON
C’est un pari, mais en tout état de cause ce pari nous devions le faire. Et la deuxième chose que je veux dire c’est
que les forces armées des pays occidentaux n’ont pas vocation à occuper des pays qui sont des pays indépendants.
Jean-Pierre ELKABBACH
Voilà une des leçons de l’affaire Kaboul et de l’Afghanistan. L’Europe, l’Europe croule sous les dettes des Etats,
elle est incapable de trouver une solution pour la Grèce, alors qu’après le Portugal, l’Espagne, et même l’Italie, sont menacés, est-ce qu’aujourd’hui l’Europe est à nouveau profondément en
crise ?
François FILLON
Vous me ferez le crédit, Jean-Pierre ELKABBACH, d’avoir tiré la sonnette d’alarme depuis 4 ans sur cette question de
la dette.
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous avez dit, et vous vous êtes fait tirer les oreilles un peu partout, vous avez dit « la
faillite. »
François FILLON
J’avais même évoqué le mot de faillite, qui avait à l’époque beaucoup surpris…
Jean-Pierre ELKABBACH
Donc c’est la faillite des Etats en Europe ?
François FILLON
Non, ça veut dire simplement que la dette n’est plus supportable et que tous les Etats européens doivent engager un
effort de réduction de la dépense publique. Alors, en même temps, il ne faut pas non plus céder à la panique qui s’empare régulièrement des marchés, dont on constate parfois qu’ils réagissent
plus à l’émotion qu’à la raison…
Jean-Pierre ELKABBACH
Et à l’intérêt, mais on ne les maîtrise pas.
François FILLON
Parce que quand on regarde les choses avec un peu de recul, on s’aperçoit que l’Europe, c’est très difficile. A 27
c’est très difficile, dans la zone euro c’est très difficile, parce qu’on est nombreux, parce qu’on a des visions différentes des choses et parce qu’il faut beaucoup de temps pour se mettre
d’accord. Mais si on regarde les choses avec un peu de recul, on a toujours réussi, depuis le début de la crise économique et financière, à trouver des solutions. C’est l’Europe qui a trouvé
les solutions la première pour empêcher la catastrophe du système financier, c’est l’Europe qui a lancé la première, et notamment la France, les réflexions sur la régulation financière. On a
trouvé des solutions à la question portugaise, ça a été très difficile, souvenez-vous des débats à l’époque, c’étaient à peu près les mêmes qu’aujourd’hui. On a trouvé des solutions à la
question irlandaise et on a trouvé…
Jean-Pierre ELKABBACH
Oui, mais regardez le temps qu’il faut pour trouver une solution à la Grèce.
François FILLON
A chaque fois on progresse, Jean-Pierre ELKABBACH, à chaque fois on progresse. On est parti d’un système dans lequel
personne ne voulait entendre parler d’une solidarité financière à l’égard de la Grèce, personne ne voulait entendre parler d’un gouvernement économique européen. Progressivement, je sais que
c’est lent, on pourrait espérer que ça aille plus vite, mais progressivement…
Jean-Pierre ELKABBACH
Ça c’est la vision optimiste.
François FILLON
On a mis en place un fonds de 440 milliards d’euros pour assurer…
Jean-Pierre ELKABBACH
Mais qui est insuffisant, qui sera insuffisant, s’il faut aider le Portugal, l’Espagne…
François FILLON
S’il faut l’alimenter plus, il sera alimenté plus, mais on l’a mis en place ce fonds. Deuxièmement, on a mis en
place, on a fait accepter à l’Allemagne l’idée de mettre en place un gouvernement économique de la zone euro, donc oui, c’est lent, oui c’est difficile, mais à chaque fois on progresse, et au
fond, contrairement à une idée reçue, l’Europe se renforçait de chacune de ses crises.
Jean-Pierre ELKABBACH
Je note que c’est une conception optimiste de la situation. Est-ce que l’euro est menacé, là ?
François FILLON
Oui, c’est une conception optimiste qui est vérifiée par les faits, Jean-Pierre ELKABBACH. Par les
faits.
Jean-Pierre ELKABBACH
Oui, mais ça prend du temps, et puis en même temps il y a des dégâts. Est-ce que l’euro est
menacé ?
François FILLON
L’euro est à un niveau plus élevé aujourd’hui qu’il n’était quand il a été créé, il y a d’ailleurs beaucoup de gens
qui trouvent qu’il est à un niveau trop elevé. La question n’est pas là, la question c’est la Grèce. La Grèce est dans une situation financière catastrophique en raison des fautes qu’elle a
commises, des erreurs qui ont été commises, des mauvaises informations qui ont été fournies. Il faut que la Grèce fasse les efforts nécessaires pour réduire sa dépense publique. Elle les faits,
il faut le reconnaître, même si c’est difficile, elle les faits, et il faut que la communauté internationale, et en particulier les pays de la zone euro, soient solidaires. Il y a un débat, que
vous connaissez, sur la question de savoir quelle doit être la participation des établissements financiers. Cette participation doit se faire sous forme d’un dialogue, sous une forme
volontaire, parce que tout ce qui ressemblerait à un défaut de paiement, à un incident de paiement de la Grèce, pourrait, comme ça a été le cas avec la crise aux Etats-Unis et la faillite de
LEHMAN BROTHERS, entraîner une nouvelle crise financière. Et on n’a vraiment pas besoin d’une nouvelle crise financière au moment où il y a une véritable reprise de la croissance en Europe et
dans le monde.
Jean-Pierre ELKABBACH
Est-ce que la France peut être épargnée, puisqu’on voit les pays les uns après les autres
touchés ?
François FILLON
Ecoutez, la France fait tout ce qui est en son pouvoir pour réduire sa dépense publique. Et d’ailleurs le résultat il
est là, c’est que la France conserve la meilleure notation, aujourd’hui, parmi les grands pays développés.
Jean-Pierre ELKABBACH
Ce matin les députés devraient voter en troisième lecture le texte adopté hier par les sénateurs sur la Règle d’or
qui prévoit l’équilibre des finances publiques dans la Constitution. TRICHET, Jean-Claude, dit « c’est indispensable. » Les socialistes n’en veulent pas. Est-ce que le Congrès va être
convoqué malgré cela, à Versailles, sur la Règle d’or ?
François FILLON
Ecoutez, les socialistes vont être devant leurs responsabilités. Avec les socialistes on va baisser le prix de
l’essence, on va baisser le prix de l’électricité, on va baisser le prix du gaz, on va travailler moins, on va partir en retraite plus tôt. Et tout ça face à une situation européenne où on voit
bien que les vieilles puissances industrielles européennes sont bousculées par un nouveau monde de 7 milliards d’habitants. Et ça va être le cœur, au fond, du débat qui va s’engager pour
l’élection présidentielle. Il y a un problème de crédibilité.
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous voulez dire qu’il y en a qui n’ont pas pris conscience de la crise actuelle ?
François FILLON
Je ne sais pas s’ils n’ont pas pris conscience ou s’ils pensent que pour gagner les élections il faut raconter des
fadaises aux Français, mais la vérité c’est que nous allons mettre les socialistes devant leurs responsabilités. L’Assemblée nationale et le Sénat ont voté, dans des termes identiques, le texte
sur la Règle d’or, c’est au président de la République de décider s’il veut convoquer le Congrès, on va le décider à l’automne…
Jean-Pierre ELKABBACH
Mais vous, vous êtes favorable au Congrès ? Vous y seriez favorable, vous ?
François FILLON
Bien sûr j’y suis favorable. Si on a mis en œuvre ces textes c’est évidemment pour qu’ils aboutissent.
Jean-Pierre ELKABBACH
Ça s’appelle le piège.
François FILLON
Non, ce n’est pas un piège. C’est se doter, comme beaucoup d’autres pays européens, d’une règle qui oblige les
gouvernements à dire à l’avance, lorsqu’ils prennent le pouvoir, dans quelles conditions et dans quels délais ils vont ramener les comptes publics à l’équilibre. C’est une règle de bon
sens.
Jean-Pierre ELKABBACH
François FILLON, avec Nicolas SARKOZY vous avez promis de défendre le pouvoir d’achat. Vous avez de bonnes occasions
de le montrer. D’abord, les chiffres de l’inflation viennent d’apparaître, +0,06. Dans ces conditions, est-ce que sont revalorisés tout de suite, ou retardés, le SMIC
d’abord ?
François FILLON
Pour le SMIC il n’y a pas de revalorisation aujourd’hui, compte tenu de la dernière revalorisation qui a eu lieu, il
n’y a pas d’écart avec l’inflation compte tenu de ce qui a été fait. En revanche, ce qui va être revalorisé, c’est le Livret A, qui va…
Jean-Pierre ELKABBACH
A partir de…
François FILLON
Dont le taux va passer à 2,25% dans les prochains jours.
Jean-Pierre ELKABBACH
Au mois d’août.
François FILLON
C’est la preuve, d’ailleurs, que l’économie est vivante. Je me souviens des débats, lorsque le Livret A baissait
parce que l’inflation était en baisse, aujourd’hui il y a un peu plus d’inflation, on augmente le taux du Livret A. Je me souviens aussi de tous les débats sur le Livret A lorsque sa
distribution a été ouverte aux banques, on a dit que c’était la fin du Livret A, la gauche était déchaînée, il n’y a jamais eu autant d’argent sur le Livret A.
Jean-Pierre ELKABBACH
Rassurez-vous, il y a d’autres débats. TOTAL répercute les hausses des prix du pétrole dans ses 2000 stations
services, de 1 à 4 centimes. Que peut faire l’Etat ? Que va-t-il faire ?
François FILLON
D’abord, on est très vigilant sur la répercussion des hausses et la répercussion des baisses. Christine LAGARDE avait
installé un observatoire. Cet observatoire a fonctionné, il y a eu plus de 4000 contrôles qui ont été faits, et on a constaté que, en juin, la baisse a été très correctement répercutée par les
distributeurs. C’est un peu moins sur le mois de mai, on est en train de faire des vérifications, et le ministre de l'Economie et des Finances, François BAROIN, va recevoir le président de
TOTAL aujourd’hui même, pour s’assurer…
Jean-Pierre ELKABBACH
Quand il rentrera de Washington. Il est à Washington.
François FILLON
Pour s’assurer que les hausses ne vont pas être plus fortes que ce qui est nécessaire compte tenu de l’augmentation
du prix du pétrole.
Jean-Pierre ELKABBACH
Mais qu’est-ce que va faire l’Etat en dehors de la gesticulation de recevoir pour la énième fois le patron de
TOTAL ?
François FILLON
Non, ce n’est pas de la gesticulation, c’est de s’assurer que personne ne triche avec les prix. Mais il faut aussi
dire la vérité, Jean-Pierre ELKABBACH. Dire aux Français que le pétrole va continuer d’augmenter, parce que c’est une ressource qui est limitée, parce qu’il y a 7 milliards d’habitants sur la
terre, parce qu’il y a plus de croissance, parce qu’il y a plus de gens qui ont des véhicules, parce qu’il y a plus de besoins d’énergie, c’est une réalité.
Jean-Pierre ELKABBACH
Donc vous nous dites que le prix de l’énergie va être de plus en plus cher, et il faut s’y préparer. C’est
ça ?
François FILLON
Et plutôt que d’inventer des solutions qui n’ont aucun sens si ce n’est de peser sur la croissance ou sur les impôts
des Français, il faut travailler sur les alternatives au pétrole. Il faut travailler sur les économies d’énergie…
Jean-Pierre ELKABBACH
On va y venir, mais…
François FILLON
Non, mais c’est très très important.
Jean-Pierre ELKABBACH
Il y a deux propositions…
François FILLON
Les investissements d’avenir, que nous avons engagés…
Jean-Pierre ELKABBACH
Il y a une proposition de François HOLLANDE de stabiliser les prix pendant l’été. Est-ce que vous pouvez sanctuariser
les 2 mois, 2,5 mois d’été, avec un moratoire sur les hausses ?
François FILLON
Au concours Lépine de la démagogie, il a gagné le premier prix. C’est ce que je disais tout à l’heure, on va baisser
le prix de l’essence, on va baisser le prix du gaz, on va baisser le prix de l’électricité…
Jean-Pierre ELKABBACH
Oui, mais pourquoi vous ne pouvez pas faire baisser comme Martine AUBRY et François HOLLANDE vous le demandent,
que l’Etat, à travers la TIPP, ne gagne aucune recette supplémentaire liée à la hausse de l’essence à la pompe.
François FILLON
C’est une belle solution, monsieur ELKABBACH. Ça consistera, pour l’Etat, à emprunter un peu plus, à endetter un peu
plus la France, pour payer les dépenses publiques, que par ailleurs les socialistes nous reprochent en permanence de trop baisser. Si on baisse la TIPP, ça veut dire qu’il y aura moins de
rentrées pour l’Etat, ça veut dire qu’il y aura moins d’argent public, dans l’Education, dans la Recherche, dans l’Enseignement supérieur, dans la Sécurité.
Jean-Pierre ELKABBACH
Donc, si TOTAL continue à monter, pour des raisons budgétaires, on ne peut rien faire, on laisse faire.
François FILLON
Il y a une donnée qui incontournable, c’est que la France n’a pas de pétrole, monsieur ELKABBACH, il n’y a pas de
pétrole sur le sol français.
Jean-Pierre ELKABBACH
Je le sais, vous savez.
François FILLON
Voilà, donc on achète du pétrole dans des pays qui en produisent, et ces pays qui en produisent, ils montent ou ils
baissent les coûts en fonction de la croissance, en fonction du marché.
Jean-Pierre ELKABBACH
Quand on veut dire, comme vous le dites ce matin, la vérité, c’est que les prix continueront de monter…
François FILLON
La vérité c’est qu’il peut y avoir des baisses et des hausses en fonction des fluctuations du marché, mais nous
allons vers un renchérissement du prix des carburants fossiles. Donc il y a deux choses importantes, c’est les économies d’énergie ; il faut d’ailleurs faire remarquer aux Français que par
exemple les moteurs de leurs voitures consomment beaucoup moins d’essence que dans le passé…
Jean-Pierre ELKABBACH
On y viendra. Dépêchez-vous d’avoir la voiture électrique.
François FILLON
Et deuxièmement, il faut continuer à investir dans le nucléaire, puisque le nucléaire est une alternative
crédible…
Jean-Pierre ELKABBACH
On a compris, je vous le dirai tout à l’heure, mais TOTAL ne paie pas d’impôts en France. 800 millions d’euros sur 10
milliards, même si c’est gagné à l’extérieur. Grâce à une niche fiscale ancienne quatre entreprises, dont TOTAL, profitent du bénéfice mondial consolidé. Vous qui faites la chasse aux niches,
François FILLON, est-ce que vous envisagez d’en finir avec ce régime fiscal particulier ?
François FILLON
Ça, encore, c’est une vieille histoire vraiment française. Où est-ce que TOTAL paie ses impôts, monsieur
ELKABBACH ?
Jean-Pierre ELKABBACH
Dans 130 pays, je sais.
François FILLON
TOTAL paie ses impôts là où il extrait du pétrole. Je reviens d’Indonésie, vous pensez vraiment que l’Indonésie
accepterait que demain TOTAL ne paie plus ses impôts en Indonésie pour les payer en France ? Qu’est-ce que ça veut dire ? TOTAL paie des impôts en France sur les activités qui sont
les siennes en France, qui sont des activités de distribution, qui sont d’ailleurs des activités qui sont peu rentables. Donc on peut discuter de cette histoire de bénéfice mondial, j’ai même
compris que le groupe TOTAL avait finalement fait ses calculs…
Jean-Pierre ELKABBACH
C’est ce qu’a dit Christophe de MARGERIE ici.
François FILLON
En indiquant que ce n’était pas si intéressant que ça, qu’il était prêt à l’abandonner, en tout cas ça n’apportera
pas de ressources supplémentaires à la France, et les compagnies pétrolières continueront à payer des impôts là où elles extraient du pétrole.
Jean-Pierre ELKABBACH
Quand les socialistes vous disent, pas plus tard que ce matin, Martine AUBRY, « il faut taxer les bénéfices des
pétroliers », vous répondez ?
François FILLON
Je réponds que tout ça n’a pas de sens, que ce n’est pas en taxant les bénéfices des pétroliers qu’on va rendre
l’économie française plus compétitive, qu’on va créer des emplois, et qu’on va créer de la croissance. Les socialistes n’ont que des solutions démagogiques à proposer, ils refusent de regarder
la réalité en face, ils essaient de tromper les Français. Je pense vraiment que cette question …
Jean-Pierre ELKABBACH
La campagne a commencé !
François FILLON
La campagne a commencé avec des propositions comme celle-là.
Jean-Pierre ELKABBACH
Monsieur le Premier ministre, la querelle autour des ragots et des rumeurs, cette fois, elle partirait de votre
majorité, il parait, et en plus, du sommet de l’Etat ; qu’en dites-vous, Martine AUBRY se dit blindée contre les rumeurs méprisables, etc., est-ce qu’il est vrai qu’on a cherché autour
d’elle, sans rien trouver, et qu’on s’attaque à son mari et à ses proches, à des dirigeants socialistes ?
François FILLON
Jean-Pierre ELKABBACH, moi, je hais les rumeurs, et j’aimerais que le Parti socialiste soit aussi prompt à dénoncer
ceux qui lancent des rumeurs contre le président de la République par exemple, que celles qui touchent aujourd’hui Martine AUBRY. Je comprends parfaitement sa colère, mais je ne comprends pas
sa méthode pour réagir. Ou bien, elle les ignore ou bien, elle attaque en justice ceux qui les propagent. Mais cette manière, qui consiste à faire courir des rumeurs sur les rumeurs, je pense
que c’est la meilleure façon de leur donner de l’importance, notamment dans les médias, c’est une drôle de méthode, et en tout cas, je veux dire que la majorité n’a rien à voir avec ces rumeurs
qui courent sur madame AUBRY et qui sont naturellement détestables.
Jean-Pierre ELKABBACH
Et est-ce que ce matin, vous pouvez affirmer que la vie privée de certains dirigeants politiques de haut niveau n’est
surveillée par aucun service du ministère de l’Intérieur ?
François FILLON
Mais bien sûr, Jean-Pierre ELKABBACH, personne ne surveille la vie privée des hauts dirigeants
politiques.
Jean-Pierre ELKABBACH
Il n’y a jamais eu de notes confidentielles, même avant le 14 mai et après concernant la vie privée de Dominique
STRAUSS-KAHN ?
François FILLON
Bien sûr que non. Quand il y a un incident qui concerne…
Jean-Pierre ELKABBACH
Non, vous dites : bien sûr que non, mais ça a été prouvé…
François FILLON
Non, mais, moi, je vous dis : quand il y a un incident qui concerne une personnalité, il est normal que les
autorités de l’Etat soient informées. Quand le directeur général du FMI est arrêté à New York, c’est la moindre des choses que le chef de l’Etat, le gouvernement français soient informés de ce
qui s’est passé, comme sans doute le gouvernement…
Jean-Pierre ELKABBACH
Instantanément…
François FILLON
Mais bien sûr, comme sans doute le gouvernement américain. Mais il n’y a aucune enquête, c’était du temps de François
MITTERRAND qu’il y avait des enquêtes sur les responsables politiques.
Jean-Pierre ELKABBACH
Et il n’y a aucune forme d’intervention, quand vous êtes informé, vous ne dites pas : faites votre devoir,
continuez les enquêtes ou ne les continuez pas ?
François FILLON
Vous croyez vraiment qu’on a des contacts avec la police new-yorkaise, Monsieur ELKABBACH…
Jean-Pierre ELKABBACH
Est-ce que la campagne 2012 va voler aussi bas alors que les Français attendent autre chose, qui peut dire
aujourd’hui : halte au feu et être crédible ?
François FILLON
Mais qui est responsable de cette campagne de caniveau…
Jean-Pierre ELKABBACH
C’est partagé…
François FILLON
Non, non, alors franchement, cherchez dans la majorité aujourd’hui, la majorité, d’abord, elle est concentrée sur le
gouvernement du pays, elle est concentrée sur les débats, des débats d’ailleurs qui, parfois, donnent lieu à une saine émulation à l’intérieur de cette même majorité, on est en train de
préparer le projet qui sera notre projet présidentiel. J’aimerais que les socialistes en fassent autant. Je pense que la méthode des primaires…
Jean-Pierre ELKABBACH
La méthode des primaires…
François FILLON
Oui, enfin, je pense que la méthode des primaires, comment dirais-je, génère beaucoup d’agressivité à l’intérieur
même de la gauche, en tout cas, des débats qui sont plus des débats personnels, des débats de personnalités…
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous n’allez pas pleurer…
François FILLON
Plutôt que des débats de fond…
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous n’allez pas pleurer pour ça. Et pourtant, malgré ces débats, c’est la gauche qui est donnée
gagnante.
François FILLON
Oui, enfin, vous savez, dans les élections présidentielles, les favoris n’ont jamais gagné dans
l’histoire.
Jean-Pierre ELKABBACH
A partir de la rentrée, François FILLON, et jusqu’en avril 2012, est-ce que vous allez poursuivre les réformes ou
vous déclarerez une pause ?
François FILLON
Non, il ne peut pas y avoir de pause, vous avez vous-même indiqué tout à l’heure la situation qui était celle de
l’Europe, la nécessité de continuer à réduire la dépense publique dans notre pays, ce qui est une nécessité absolue, nous allons engager une grande réforme du financement de la dépendance, sur
laquelle le président de la République va s’exprimer…
Jean-Pierre ELKABBACH
Mais est-ce que vous avez renoncé à taxer avant 2012 les hauts revenus ?
François FILLON
Non, pas du tout, nous sommes en train d’étudier une méthode qui permettrait de taxer les entreprises qui donnent à
leurs dirigeants des revenus qui sont des revenus extravagants. Aujourd’hui, vous savez que les revenus n’entrent pas dans la base de calculs des bénéfices de l’entreprise et de la taxation de
l’impôt sur les sociétés. Donc nous, nous voudrions que la partie des revenus qui dépasse des niveaux acceptables soit taxée à l’impôt sur les sociétés…
Jean-Pierre ELKABBACH
Ça, c’est dans les prochains mois.
François FILLON
Ça sera dans le cadre de la loi de Finances.
Jean-Pierre ELKABBACH
Eva JOLY va sortir vainqueur de la primaire écologiste, elle fait pression sur le PS, et dans le pays pour l’arrêt
total et définitif des centrales nucléaires. Est-ce que vous, vous allez céder à la mode ?
François FILLON
Non seulement, je ne cède pas à la mode, mais je reviens au débat sur l’énergie, je voudrais que le Parti socialiste
m’explique comment on va assurer aux Français une énergie bon marché sans nucléaire. C’est absolument impossible. L’essence et le gaz vont continuer d’augmenter, parce que la ressource est
rare, les énergies renouvelables, nous venons de lancer un grand appel d’offre pour installer des éoliennes en mer qui vont permettre de produire l’équivalent de deux réacteurs nucléaires. Mais
c’est des coûts extrêmement élevés. Et donc nous avons besoin du nucléaire. Et nous n’avons pas besoin d’un nucléaire qui soit un nucléaire figé dans la situation d’aujourd’hui, nous avons
besoin de le faire évoluer, de le moderniser, de le rendre toujours plus sûr. Et donc il faut continuer à investir…
Jean-Pierre ELKABBACH
Comme à Fessenheim, où vous allez continuer pendant dix ans, au moins…
François FILLON
A Fessenheim. Toutes les centrales nucléaires françaises sont en train d’être soumises à des tests qui visent à les
confronter à tout ce qui s’est passé à Fukushima. Même si la France n’est pas une terre avec des sismiques, mais on fait quand même la simulation, et à partir des résultats, on prendra les
décisions nécessaires ; il n’y a aucune décision qui a été prise ni pour Fessenheim ni pour aucune autre centrale. Mais le plus important, c’est surtout, les investissements d’avenir que
nous avons décidés pour travailler sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération, pour travailler sur les économies d’énergie, pour travailler sur les…
Jean-Pierre ELKABBACH
Vous continuerez, c’est ça qui est intéressant…
François FILLON
Bien sûr qu’on continuera.
Jean-Pierre ELKABBACH
Le président de la République a donc dit, à Kaboul, « il faut savoir finir une guerre. » Est-ce qu’en Libye
on va finir la guerre, est-ce qu’on va arrêter l’intervention militaire du côté de la France ?
François FILLON
D’abord, Jean-Pierre ELKABBACH, il faut rappeler pourquoi on a fait cette intervention en Libye, c’est pour sauver la
vie de milliers de civils libyens qui étaient sur le point de se faire écraser par l’aviation et par les forces…
Jean-Pierre ELKABBACH
Ça c’était la résolution des Nations Unies.
François FILLON
C’est la résolution des Nations Unies.
Jean-Pierre ELKABBACH
Mais vous n’autorisez pas à liquider KADHAFI ou attendre qu’il quitte le pouvoir ?
François FILLON
Personne ne cherche à liquider KADHAFI, il n’y a aucune action militaire visant à tenter à la vie de KADHAFI, en
revanche l’entêtement de KADHAFI à continuer le combat dans ces conditions, contre son propre peuple, le disqualifie pour…
Jean-Pierre ELKABBACH
Il faut qu’il s’en aille.
François FILLON
Il faut qu’il s’en aille, il faut qu’il quitte le pouvoir, il faut au moins qu’il quitte le pouvoir, après c’est aux
Libyens de décider eux-mêmes…
Jean-Pierre ELKABBACH
S’il peut rester dans une tribu dans son pays.
François FILLON
De leur organisation, de la manière… la France n’entend pas, et l’OTAN n’entend pas gérer la Libye à la place de la
Libye.
Jean-Pierre ELKABBACH
Est-ce que vous dites la même chose de la Syrie et d’ASSAD ? Hillary CLINTON a dit hier « ASSAD n’est pas
indispensable. »
François FILLON
Je pense que le président ASSAD a franchi toutes les limites, et le silence du Conseil de sécurité des Nations Unies
sur la Syrie devient insupportable. Vous savez que la France a déposé, avec d’autres pays européens, une proposition de résolution, qui est bloquée par la Russie et qui est bloquée par la
Chine, ce n’est plus acceptable. Ce qui s’est passé encore hier soir avec des agressions extrêmement violentes contre l’ambassade de France à Damas et contre l’ambassade des Etats-Unis, montre
que ce régime est dans une fuite en avant, et chaque jour qui passe rend plus difficile le maintien au pouvoir du président ASSAD.
Jean-Pierre ELKABBACH
François FILLON, en mai 2012 vous aurez accompli tout un quinquennat, un mandat complet à Matignon.
François FILLON
Contre toutes les prévisions de vos confrères.
Jean-Pierre ELKABBACH
Est-ce qu’aujourd’hui les rôles, entre vous et le président de la République, sont enfin mieux équilibrés, mieux
répartis, que les institutions de la Vème fonctionnent normalement ?
François FILLON
Vous savez que j’ai toujours plaidé pour la continuité dans l’action gouvernementale, et j’ai toujours fait remarquer
que la France était le seul pays où on changeait de gouvernement plusieurs fois entre deux élections. C’est très important la continuité parce qu’on apprend à travailler ensemble, on est moins
bon…
Jean-Pierre ELKABBACH
Combien de temps il vous a fallu pour travailler avec…
François FILLON
On est moins bon au début qu’à la fin. Il y a l’expérience qui joue, il y a la confrontation aux réalités, il y a la
solidité dans la gestion des crises, il y a l’expérience de la loyauté.
Jean-Pierre ELKABBACH
On dit justement que le Nicolas SARKOZY de 2011 n’est plus le même que celui de 2007. Vous, vous le côtoyez, même
depuis 2006, où est la différence.
François FILLON
On a tous changé parce que l’exercice du pouvoir vous transforme. Les responsabilités, le poids des responsabilités,
des décisions d’une gravité extrême comme celle d’engager des forces en Libye ou en Afghanistan, ce sont des décisions qui changent la personnalité d’un homme.
Jean-Pierre ELKABBACH
En 2007 il proposait, et il pouvait proposer, le changement. En 2012 ?
François FILLON
En 2012, d’abord c’est à lui de faire son programme, ce n’est pas à moi. Mais je pense qu’en 2012 c’est la continuité
qui s’imposera parce que les réformes très profondes que nous avons engagées, qui sont en train de transformer la société française, l’université, la recherche et l’innovation, le dialogue
social, la réforme des régimes sociaux, ce sont des réformes qui ne vont donner des résultats que dans plusieurs années, et donc ce qui est très important c’est que le pays…
Jean-Pierre ELKABBACH
C’est que ce soit le même qui reste.
François FILLON
C’est que la même politique continue à être conduite.
Jean-Pierre ELKABBACH
Avant une rude bataille, c’est la dernière question, Napoléon disait « Bonaparte ferait gagner l’Empereur
Napoléon », c’est lui qui le disait. Est-ce que vous dites « le candidat SARKOZY », alors qu’il est en baisse de popularité etc, « le candidat SARKOZY… »
François FILLON
Ça dépend des sondages, il y en a dans lesquels il est en hausse.
Jean-Pierre ELKABBACH
« Peut faire gagner le président SARKOZY » ?
François FILLON
Bien sûr. Nicolas SARKOZY a montré en 2007 qu’il avait une formidable capacité de rebond dans les campagnes
électorales, mais il aura aussi un bilan crédible que je vais m’attacher à défendre à ses côtés.
Jean-Pierre ELKABBACH
Alors viendra le moment où vous pourrez vous intéresser à Paris peut-être. Après, non ?
François FILLON
Je m’interdis de m’intéresser à quoi que ce soit d’autre qu’à mes fonctions actuelles dont vous avez pu constater,
avec les questions que vous m’avez posées, qu’elles sont assez lourdes.
Jean-Pierre ELKABBACH
Merci d’être venu en direct.