François FILLON explique pourquoi le projet du Parti socialiste est à côté de la plaque sur le plateau du journal de 20H de France 2, le Lundi 17 octobre 2011.
David PUJADAS
Retour maintenant à la politique avec notre page spéciale : le Premier ministre, le chef de la majorité,
François FILLON, est notre invité. Merci d’avoir répondu à notre invitation. Priorité à l’actualité d’abord avec l’image de ces dernières 24 heures. Cette image, c’est celle de François
HOLLANDE donc consacré candidat socialiste à l’issue de ces primaires, main dans la main ici avec Martine AUBRY. Alors vous disiez, François FILLON - c’est un vous général, dans la majorité –
on n’a pas d’adversaire, le combat, la bataille n’a pas commencé. Désormais vous avez un adversaire. Comment le jugez-vous ? Est-ce que c’est un bon candidat ?
François FILLON
Je crois que tout candidat qui représente le Parti socialiste dans un pays aussi équilibré que le nôtre, où les
élections présidentielles se jouent toujours à quelques centaines de milliers de voix, est un bon candidat. Simplement la question qui est posée maintenant, c’est est-ce que c’est un candidat
qui a un projet politique qui lui est propre ou est-ce que c’est le candidat du projet du Parti socialiste ? Et pendant tous les débats innombrables auxquels nous avons assisté depuis
plusieurs semaines, on a bien vu qu’au fond il y avait un projet du Parti socialiste qui était profondément anachronique, qui était profondément inadapté à la réalité de la situation
économique. Ce projet, il s’imposera à tous les candidats et il s’impose maintenant à François HOLLANDE. Et le reste, c’était une sorte de casting, par ailleurs utile pour un parti qui en avait
besoin, pour trouver un candidat, mais ce n’est pas, contrairement à ce qu’on a pu croire hier soir, le premier tour d’une élection présidentielle à trois tours. Il y a eu une sorte d’illusion
d’optique due à l’overdose médiatique de ces derniers jours et je crois que maintenant il faut remettre les choses à l’endroit.
David PUJADAS
Sur le profil du candidat parce que ces primaires ont aussi été un débat sur les personnes et les tempéraments,
qu’est-ce que vous diriez ? Lui-même se revendique comme souhaitant un président normal. Est-ce que vous comprenez cela ?
François FILLON
Je trouve que c’est trop tôt pour porter un jugement sur l’homme lui-même. On va voir tout au long de la campagne
comment il réagit ; on n’a pas beaucoup de repères sur son expérience gouvernementale ou ministérielle, puisqu’il n’en a pas. Mais encore une fois je ne crois pas que ce soit le fond du
sujet. Le fond du sujet, c’est le projet, c’est ce qu’il veut faire. Quand François HOLLANDE hier soir au fond commence, au moment où tous les yeux dans le monde entier sont rivés sur la zone
euro, sur la crise financière, sur la possibilité pour la première fois qu’un Etat puissant, un Etat de la zone la plus riche du monde, de l’Europe, fasse faillite… quand on entend François
HOLLANDE dire au fond : mon programme, c’est de « réenchanter » le rêve français, on se dit que vraiment le projet du Parti socialiste est à côté de la plaque. Il y a un temps
pour le rêve, il y a peut-être eu un temps pour le rêve ; aujourd’hui, il y a un temps pour le principe de réalité. Le principe de réalité, c'est dans les quelques semaines qui viennent,
comment fait-on pour éviter une catastrophe dans la zone euro, pour éviter que la crise de confiance ne se propage et qu’elle entraîne une récession dans le monde entier ? Ce sont des
sujets dont on n’a pas parlé du tout pendant la primaire socialiste, ou très peu.
David PUJADAS
Est-ce qu’il est plus ou moins dangereux pour Nicolas SARKOZY que Martine AUBRY ?
François FILLON
Je crois que ça ne compte pas, ça, franchement. Ce qui compte, ce sont les projets, c’est l’idéologie qui est
défendue par les uns et par les autres. Je ne crois pas qu’il y ait de candidat plus dangereux. Tout candidat représentant aujourd’hui la gauche en France est dangereux et l’a été dans les
élections précédentes.
David PUJADAS
Alors un mot sur ces primaires qui se sont achevées cette fois ; il y a eu cacophonie à droite d’une certaine
manière ; vous avez pris le contrepied de Nicolas SARKOZY à moins que ce ne soit l’inverse. Nicolas SARKOZY a déclaré en substance : ces primaires sont contraires à l’esprit de la
5e République. Vous, vous avez dit au contraire : elles sont modernes et elles s’imposent à la droite comme à la gauche.
François FILLON
J’ai dit que les primaires étaient un procédé intéressant et qu’il faudrait en tenir compte à l’avenir et je voudrais
d’ailleurs ajouter que ce n’est pas une invention du Parti socialiste puisque nous avions avec Philippe SEGUIN et Charles PASQUA, réfléchi en son temps et d’ailleurs déposé un projet pour
organiser des primaires à l’époque concernant notre famille politique. Là où le Président de la République a raison – et ce que j’ai dit à l’instant sur l’overdose médiatique vient appuyer
cette démonstration – c’est qu’il ne faut pas se tromper d’élection : c’est un processus intéressant pour désigner un candidat dans un parti qui n’a pas d’autre moyen de le faire, qui n’a
pas de candidat qui s’impose. Mais ces trois millions… deux millions et demi ou trois millions d’électeurs, il faut faire attention à l’illusion d’optique qui donne le sentiment comme on a pu
le croire hier soir, que l’élection présidentielle était déjà jouée. L’élection présidentielle, c’est deux tours avec 45 millions d’électeurs. C’est ce que le Général de GAULLE a voulu et les
primaires ne viennent en rien affaiblir cette élection présidentielle. Il faudra simplement réfléchir me semble-t-il parce que je crois que ce dispositif s’imposera ailleurs qu’à gauche, à
éviter ce qu’on a connu avec le manque de hiérarchie dans l’information au fond… Vous avez un tremblement de terre, un tsunami au Japon, vous avez Dominique STRAUSS-KAHN qui est arrêté à New
York, vous avez une primaire socialiste, c’est exactement la même chose en terme de couverture enfin grosso modo et je pense que ça pose un problème de hiérarchisation des priorités pour nos
concitoyens. Et en même temps, on voit bien qu’un sujet chasse l’autre et que les réalités reviennent…
David PUJADAS
Mais elles ont suscité un vaste intérêt aussi tout de même, ces primaires, dans le public.
François FILLON
Bien sûr qu’elles suscitent un vaste intérêt. Mais ça ne peut pas éclipser le reste des débats politiques surtout au
moment où vraiment notre pays est confronté à une crise d’une extrême gravité encore une fois, dans les quinze jours ou les trois semaines qui viennent, la question de savoir si la zone euro
est menacée, si on va pouvoir sauver l’euro…
David PUJADAS
Elle va se poser avec acuité, on va évoquer le budget notamment… Un mot sur un autre sujet d’actualité François
FILLON : on a appris il y a deux heures la mise en examen de Bernard SQUARCINI. François HOLLANDE justement demande sa démission. Apparemment Claude GUEANT, le ministre de l’Intérieur,
donc son ministre de tutelle, le soutient ; est-ce qu’il doit démissionner ou pas ?
François FILLON
Les socialistes demandent toujours la démission des mis en examen, quand ils ne sont pas dans leur famille politique
grosso modo ; mais quand un socialiste est mis en examen, personne ne demande sa démission. La vérité, c’est que d’abord je constate que la justice dans notre pays est très
indépendante ; on nous dit tous les jours que ce n’est pas le cas, voilà encore une démonstration qu’il s’agit d’un fantasme. Deuxièmement, mettre quelqu’un en examen, ce n’est pas le
déclarer coupable, comme vous le savez, il y a une présomption d’innocence dans notre pays ; elle vaut pour les fonctionnaires, comme pour les journalistes, comme pour les responsables
politiques, comme pour tous les citoyens et donc c’est au terme de la procédure judiciaire que le Gouvernement devra prendre une décision s’agissant de l’avenir de monsieur
SQUARCINI.
David PUJADAS
Un mot de votre cas personnel, de vos ambitions. Est-ce que vous pouvez nous confirmer ce soir après vos adieux il y
a 48 heures aux habitants de la Sarthe où vous étiez élu depuis trente ans, que vous serez bien candidat aux législatives en 2012 à Paris ?
François FILLON
Ce n’est pas vraiment une question d’actualité puisqu’avant les élections législatives, comme vous le savez, il y a
des élections présidentielles et avant les élections présidentielles, il y a six mois pendant lesquels il faut juguler une crise économique d’une très grande gravité. Simplement, j’ai dit que
je serai candidat aux législatives à Paris parce qu’il y avait un certain nombre d’occasions qui me conduisaient à le faire et notamment le dernier Congrès des maires et adjoints de la Sarthe
auquel j’ai participé…
David PUJADAS
Vous avez choisi la circonscription ?
François FILLON
Je l’ai choisie et tout le monde le sait. Mais je le fais simplement parce que je pense que je peux être utile dans
un nouveau contexte politique, dans une capitale française où notre famille politique a rencontré beaucoup d’échecs, où il faut essayer de rassembler…
David PUJADAS
Et vous serez candidat en 2012 aux municipales ?
François FILLON
Ça, c’est une question qui ne se pose pas aujourd’hui ; il faut d’abord franchir les étapes les unes après les
autres. Ce n’est pas une décision qui a été très facile à prendre pour moi, compte tenu de mon attachement à la Sarthe, du temps que j’y ai passé, du fait que j’y ai toujours été élu depuis
1981, à une seule exception, au premier tour. Mais je pense que, comme je l’ai dit dans la Sarthe, à emprunter toujours les mêmes chemins, on devient moins utile. Si je peux être utile à Paris,
j’essaierai de l’être. Mais j’y viens avec beaucoup d’humilité.
David PUJADAS
Alors le budget. La France fait-elle les bons choix face à la crise ? Fait-elle suffisamment face à la
crise ? Des voix s’élèvent dans votre propre majorité pour se demander effectivement si ce budget est à la hauteur de la conjoncture. Ecoutez Philippe MARINI qui préside désormais la
Commission des finances au Sénat.
Philippe MARINI
Cher Premier ministre, je me souviens des combats que nous avons menés ensemble, notamment auprès de Philippe SEGUIN
et je suis inquiet pour notre souveraineté nationale : est-ce qu’il ne faudrait pas aller plus vite pour réduire la dette, les déficits, les niches fiscales, afin de préserver notre
autonomie de décision et pour faire en sorte que les marchés ne nous dictent pas ce que nous avons à faire, que la Commission de Bruxelles ne nous impose pas un semestre européen et que les
agences de notation ne soient pas nos juges souverains ?
David PUJADAS
Pour donner un repère à ceux qui nous écoutent, François FILLON, je précise que vous avez décidé d’un train
d’économies supplémentaires, compte tenu de la conjoncture, de 11 à 12 milliards pour 2012. Mais qu’entretemps les prévisions de croissance ont été encore revues à la baisse et il faut
rappeler, regardez, qu’un point de croissance en France, c’est dix milliards de recettes. Alors est-ce qu’il ne faut pas réajuster à nouveau ce budget et en faire davantage pour réduire les
déficits ?
François FILLON
D’abord la France c’est un grand pays, c’est un grand paquebot et on n’inverse pas les tendances comme ça. En trois
ans, nous allons réduire par trois le rythme de la progression de la dépense . En 2012, pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l’Etat vont baisser et grosso modo, si on essaie
de qualifier l’effort que nous faisons, en 2012, c’est un effort de maîtrise de la dépense de 45 milliards d’euros, parce qu’il faut ajouter tout ce qu’il y a dans le budget et tout ce qu’on a
rajouté au mois d’août ; comparés aux 20 milliards que vont faire les Allemands qui sont dans une situation meilleure que nous parce qu’ils ont fait des efforts et des réformes depuis plus
longtemps et comparés à 70 ou 80 milliards que font les Britanniques, qui eux sont dans une situation moins bonne. Donc je crois que ça campe le décor. Ce que nous avons essayé de faire avec le
Président de la République et avec le Gouvernement, c’est un budget qui à la fois permette d’atteindre les objectifs de 3% de déficit en 2013, en-dessous de 3% en 2014, 4,5% en 2012 ; et
en même temps qui ne casse pas les moteurs de la croissance qui sont déjà très fragiles et qui ne provoque pas des injustices sociales comme certains pays l’ont fait en coupant de façon
extrêmement brutale dans les dépenses. Donc j’entends bien Philippe MARINI, il se bat avec beaucoup d’intelligence et de courage pour réduire le déficit depuis très longtemps…
David PUJADAS
Il trouve que ce n’est pas assez…
François FILLON
Il sait en même temps que devant le Parlement souvent, on commence par demander beaucoup d’économies et ensuite
lorsqu’il faut les voter, c’est plus difficile notamment lorsque ça concerne les collectivités locales.
David PUJADAS
Est-ce que vous pouvez nous dire ce soir qu’il n’y aura pas un nouveau train d’économie pour ce budget
2012 ?
François FILLON
C’est un budget qui est bâti sur une croissance minimale de 1,5%, on l’a bâti sur 1,75 mais il fonctionne avec une
croissance seulement à 1,5%...
David PUJADAS
Mais tous les instituts disent que ce sera plutôt 1,2…
François FILLON
Aujourd’hui c’est absolument impossible de dire à 2 ou 3 points ce que sera la croissance en 2012 pour une raison
très simple, c’est qu’il y a une énorme menace qui pèse sur les prévisions de croissance, qui pèse sur l’économie mondiale, c’est la menace justement des dettes souveraines, de cet endettement
public qui en particulier risque d’entraîner… ou pourrait entraîner la faillite de certains Etats. Donc c’est normal… quand on interroge les acteurs économiques, ils sont plutôt optimistes, ils
disent que les carnets de commandes sont assez remplis, qu’il y a de l’activité mais en même temps ils sont paralysés par cette inquiétude de voir s’effondrer l’euro ou de voir se mettre en
faillite des pays…
David PUJADAS
Donc vous dites : on sera pragmatique, on verra comment la situation évoluera…
François FILLON
Donc il faut d’abord régler cette question-là. Si nous sommes capables dans les quinze jours qui viennent – et c’est
notamment ce à quoi s’emploient le Président de la République avec Angela MERKEL, qui ont préparé ensemble le sommet qui va avoir lieu le week-end prochain des pays de la zone euro – si nous
sommes capables de mettre sur table – et les Français les proposent – des mesures qui sont des mesures suffisamment puissantes pour stopper la spéculation, pour faire comprendre une fois pour
toutes au monde entier qu’on ne laissera pas tomber la Grèce…
David PUJADAS
Ce sera le cas ?
François FILLON
Bien sûr… enfin c’est ce que nous sommes en train d’essayer de faire. On se bat pour ça. Mais il faut mettre tout le
monde d’accord autour de la table et c’est largement une question de confiance, qu’on ne laissera pas tomber soixante années de construction européenne simplement parce qu’il y a eu ici ou là
des erreurs de gestion dans tel ou tel pays . si on fait en 2011 exactement ce qu’on a fait en 2008 – et c’était déjà à l’initiative du Président de la République - lorsqu’on a dit après la
faillite de la banque américaine LEHMAN BROTHERS « il n’y aura pas de faillite de banques en France parce que les Etats seront solidaires » ; à ce moment-là on a stoppé la
spéculation et on a fait revenir la confiance. Et il faut qu’on arrive à faire la même chose. Si on le fait, je n’ai pas d’inquiétude, il y aura de la croissance en 2012 et les 1,5 seront
atteints. Si on n’y arrive pas, alors c’est grave, parce que ça veut dire que c’est le monde entier qui entre dans un risque de récession et alors il faudra prendre des mesures nouvelles mais
comme vous avez pu le constater depuis quatre ans et en particulier ces derniers mois, on a toujours été au rendez-vous lorsqu’il a fallu réajuster le budget en fonction des prévisions de
croissance. C’est ce que j’ai fait au mois d’août dernier.
David PUJADAS
Merci François FILLON d’avoir répondu à nos questions ce soir.