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17 mai 2013 5 17 /05 /mai /2013 15:10

Discours prononcé à Dresde lors de la réunion du bureau du groupe PPE

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

Je suis heureux d’être parmi vous, dans cette région de la Saxe qui a fait la preuve que le redressement économique et industriel est possible.

Nous vivons des temps difficiles, et chacun sent que le destin de l’Europe hésite.

Certains considèrent que la tempête née en 2008 est maintenant derrière nous.

Ce discours lénifiant, c’est le discours de l’insouciance !

Il faut regarder la vérité en face, et la vérité, c’est que l’Europe traverse une crise existentielle.

L’idéal de paix qui nous avait réunis il y a un demi-siècle a épuisé sa force.

Pour une large partie de nos opinions, l’Europe ça n’est plus la paix mais le chômage qui touche 20 millions d’européens !

A tort, l’Union européenne est devenue injustement le bouc émissaire de tous nos maux nationaux, et chacun de nos Etats a une part de responsabilité :

une responsabilité économique et financière car il appartient à chaque nation, et non à l’Europe, de gérer efficacement nos Etats ;

une responsabilité politique aussi car quand ça va bien, chacun se plait à dire que c’est grâce à lui… Et quand ça va mal, chacun à tendance à dire que le coupable est à Bruxelles, à Strasbourg, à Rome ou encore à Berlin – comme le fait malheureusement le gouvernement français actuel.

Cette façon de se défausser sur l’Europe n’est pas pour rien dans le climat de scepticisme qui entoure les institutions européennes.

L’idéal de la prospérité s’est quant à lui brisé sur le mur de la dette.

Entre 2008 et 2010, nous sommes passés au bord de la catastrophe financière.

Pas à pas, le déficit public consolidé de la zone euro a pourtant diminué de 6,4% à 3,7% du PIB depuis 2009, et l’ajustement des pays en risque progresse.

Mais tout cela est fragile :

- fragile car dans la zone euro, nous devons la détente des taux d'intérêt sur obligations d'Etat à la garantie apportée la BCE à l'été dernier;

- fragile aussi car l’allongement du calendrier de remise à niveau de nos déficits peut être la meilleure comme la pire des choses. La meilleure, si les pays concernés, dont la France, mettent courageusement le pied sur l’accélérateur pour se reformer. La pire, si ce délai supplémentaire est mal utilisé, car alors là, la riposte des marchés sera impitoyable;

- fragile enfin, car l’Europe s’est en réalité installée dans une déflation comparable à celle qui ruiné le Japon pendant vingt ans. Et cette déflation peut fissurer la solidarité européenne au profit d’une renationalisation de nos politiques.

Tout ceci pour dire que notre Europe est à la croisée des chemins, et que le PPE à un rôle majeur à jouer.

Qui est le mieux placé pour concilier les deux objectifs sans lesquels l’Union européenne est condamnée à péricliter : je veux parler de la compétitivité et du sérieux budgétaire. C’est le PPE !

Qui est le mieux placé pour lutter, dans chacun de nos pays, contre le populisme et l’isolationnisme qui partout gagnent du terrain. C’est à mon sens le PPE !

Ensemble, nous avons une bataille politique à mener pour sauver l’idéal européen.

Et pour commencer, réhabilitons les atouts de l'Europe !

L’euro a tenu et s’affirme comme la seconde monnaie mondiale de réserve; nous avons fait en quelques années ce que nous n’avions pas fait pendant vingt ans en créant les sommets zone euro et surtout le mécanisme européen de stabilité; la BCE a joué pleinement son rôle, malgré les divisions culturelles très fortes; concernant l'Europe productive elle a été et reste largement sous-estimée par la panique des marchés ; enfin l’Europe scientifique et technologique reste au premier rang mondial.

Bref, nous avons des atouts !

Et c’est sur la base de ces atouts qu’il nous faut défendre l’idée que l’Europe est une civilisation splendide et originale.

N’ayons pas honte de notre patrimoine.

Pour moi, l’Union européenne ça n’est pas une mécanique institutionnelle, c’est une aventure historique, politique et charnelle.

Dans la mondialisation, l’Europe a vocation à incarner un pôle indépendant, défendant des valeurs de liberté, de justice, d’humanisme.

La leçon que j’ai tirée de mon expérience, c’est que l’Union européenne dispose de beaucoup plus d’atouts que ce qu’on croit généralement.

Ce qui lui manque le plus souvent, c’est la volonté politique d’agir.

Que faut-il faire pour sortir de cette forme de déprime qui tétanise notre continent ?

Je crois à la nécessité d’une nouvelle doctrine économique assise sur une vraie gouvernance européenne.

Cette doctrine doit permette au niveau européen de maximiser les perspectives de croissance en promouvant des stratégies différenciées alliant assainissement des finances publiques et réformes de compétitivité.

Elle doit rapidement permettre l'achèvement de l’union bancaire afin de rompre de manière définitive le cercle vicieux qui nourrit la crise des dettes souveraines de celle des dettes bancaires.

Elle doit aussi permettre d'engager un processus d'harmonisation fiscale qui ne vise pas l'unification immédiate mais assurant la compatibilité des systèmes fiscaux nationaux les uns avec les autres.

L’objectif est ambitieux car il se heurte à des traditions nationales profondes… Mais soyons clairs, tant que notre continent restera aussi fragmenté sur le plan fiscal alors nous resterons en compétition entre nous alors que la vraie bataille est mondiale.

Cette nouvelle doctrine doit pouvoir s'appuyer sur deux socles.

Le premier, c’est celui d’une union franco-allemande beaucoup plus resserrée qu’elle ne l’est.

Il ne s’agit pas de faire une Europe à plusieurs vitesses, mais d’assumer la géométrie variable.

Aujourd’hui, le tandem entre nos deux nations est grippé, faute de confiance, faute de projets.

Je milite pour sorte de confédération franco-allemande destinée à redonner à l’Europe le moteur qui lui fait défaut.

Le second socle, c’est un « gouvernement économique » dirigé par les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro.

Pour être efficace, acceptons l’idée d’un haut responsable des finances européen ayant pouvoir d’élaborer une stratégie commune et d’assurer un contrôle sur les pratiques des Etats concernés.

Ce pouvoir doit être équilibré – cher Joseph Daul - par des représentants du Parlement européen et de chacun des parlements nationaux qui doivent, eux aussi, s’assurer que les politiques budgétaires de chaque Etat et la politique monétaire européenne marchent enfin d’un seul pas.

Je crois qu’il est également légitime de s’interroger sur la fusion du Président de la Commission et du Président du Conseil.

Sur la base d'analyses préparées par la Commission européenne et par l'Eurogroupe, ce gouvernement doit permettre d'engager une vraie coordination des politiques économiques de chacun des Etats membres.

Parmi ces stratégies, il faut plus d’investissement dans la recherche et l’innovation pour les secteurs les plus stratégiques.

Il faut rompre avec quelques dogmes, à commencer par celui de la «neutralité technologique».

A force de promouvoir les «mesures horizontales» et les « actions d’environnement », l’Europe s’est interdit ce que tous nos partenaires au niveau mondial font : identifier les technologies clefs pour l’avenir et y investir de manière ciblée et massive.

Et puis, il faut faire de l'Europe un acteur central sur la scène internationale.

L’Union européenne ne doit pas être en position de demandeuse comme elle a pu le faire dans le cadre du lancement des négociations d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis ou avec le Japon.

Le principe de réciprocité doit pouvoir se décliner concrètement, notamment dans le champ des marchés publics.

Enfin, on ne peut faire l'impasse sur la question du change dont l'Union européenne est une des rares puissances au monde à ne pas considérer qu'il constitue un objet de politique économique.

Mesdames et Messieurs,

Les échéances électorales européennes de l'an prochain seront décisives.

Le combat sera très dur car la crise nourrit la démagogie et tous les faux prophètes sont en embuscades.

Il ne faudra pas céder ! Il faudra rappeler que le salut de l’Europe est dans plus de collaboration, plus de vision politique.

Le PPE devra trouver les moyens de mener une campagne collective capable de peser sur l’opinion européenne.

Il faudra des actes, des idées, des symboles communs. Et à cet égard, à quand un immense meeting européen réunissant tous les jeunes qui nous font confiance et qui ressentent toute la chance de vivre dans une Europe libre et unie ?

Le PPE doit incarner une certaine idée de la civilisation européenne, et cette idée est neuve, dès lors qu’on la défend avec audace.

Moi qui suis attaché au gaullisme et à la souveraineté des nations, j’affirme que la puissance de la mondialisation nous oblige à défendre l’idéal européen avec plus de coeur et de courage.

Voilà, Mesdames et Messieurs, les convictions que je voulais partager avec vous avec amitié et confiance.

François FILLON

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