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15 octobre 2011 6 15 /10 /octobre /2011 14:49
Ces Français qui renoncent à une mutuelle

LEMONDE.FR | 15.10.11 | 08h25

  
 
 

 

Depuis cinq ans, les tarifs des contrats de santé des complémentaires n'ont cessé de grimper, pour atteindre 50 euros en moyenne par mois et par assuré en 2011.

Depuis cinq ans, les tarifs des contrats de santé des complémentaires n'ont cessé de grimper, pour atteindre 50 euros en moyenne par mois et par assuré en 2011.AFP/FRANCOIS GUILLOT

 

"Je paie 1 440 euros de mutuelle par an, soit un dixième de mon revenu. Or, je n'ai jamais bénéficié de l'équivalent en remboursements, et de très loin. Car pour dépenser une telle somme en frais de santé, il faudrait qu'il m'arrive quelque chose de grave, qui serait en réalité intégralement remboursé par la Sécurité sociale. Je sais que c'est raisonner selon le principe de la roulette russe, mais je n'ai plus les moyens de voir les choses autrement."

A 62 ans, Dominique Vitalyos se dit, comme nombre de Français, étouffée par le poids croissant des dépenses de santé et en particulier par la hausse des cotisations des complémentaires. Si elle affirme adhérer aux valeurs mutualistes, elle a décidé de jeter l'éponge et de résilier la souscription à sa mutuelle. "J'ai fait ce que j'ai pu. Aujourd'hui, je ne peux plus, ni pour moi ni pour les autres", souffle-t-elle.

Depuis cinq ans, les tarifs des contrats de santé des complémentaires n'ont en effet cessé de grimper. Jeudi 13 octobre, c'est une augmentation de 4,7 % que la Mutualité française a annoncée pour 2012 afin de répercuter l'alourdissement de la taxation des contrats décidée par le gouvernement, dans le cadre de son plan de rigueur, afin de renflouer les caisses de la Sécurité sociale.

LES TAXES ONT AUGMENTÉ CINQ FOIS EN SEPT ANS

"Depuis quelques années, les taxes sont systématiquement répercutées sur les consommateurs", regrette Mathieu Escot, chargé de mission santé à l'association de consommateurs UFC-Que Choisir. Entre 2005 et 2011, les taxes sur les contrats de mutuelles ont été gonflées cinq fois par le gouvernement, soit 740 % d'augmentation et un montant moyen de 75 euros par an et par personne.

A cela, il faut ajouter l'augmentation des dépenses de santé, le vieillissement de la population et les désengagements de l'assurance maladie, répercutés de la même façon sur les tarifs des mutuelles. Au final, la note est salée pour les Français, avec une facture moyenne passée de 35 euros par mois et par assuré en 2005 à 50 euros cette année.

"En intégrant ces autres facteurs, nous tablons sur une hausse de 8 % du tarif des contrats de mutuelle l'an prochain, plutôt que les 4,7 % annoncés", estime Mathieu Escot.

"DÉMUTUALISATION"

Conséquence de cette inflation : la "démutualisation". Aujourd'hui, 4 millions de Français n'ont pas de couverture complémentaire. Pour certains, c'est un choix rationnel, découlant d'un calcul entre les sommes dépensées pour financer une mutuelle et les besoins de remboursement. "En additionnant les consultations de médecine générale et les frais dentaires, ophtalmologiques et pédiatriques, notre budget santé est bien inférieur à celui d'une complémentaire santé. Pour deux adultes et deux enfants, nous avons ainsi dépensé 230 euros en 2009, 920 euros en 2010 et 410 euros pour 2011, détaille Vincent Schreiber. Et en cas d'intervention grave à l'hôpital, nous serions remboursés intégralement par la Sécurité sociale."

Mais pour une grande majorité de personnes, l'absence de couverture mutuelle est une fatalité, faute de revenus suffisants pour la financer. "Nous vivons à trois avec 1 400 euros par mois, aides incluses, mais nous n'avons pas droit à la CMU, explique Guillaume Walch. Je limite donc mes visites chez le médecin, le dentiste ou l'ophtalmologue car je préfère consacrer l'argent économisé à ma famille. Aujourd'hui, la santé est devenue une variable d'ajustement budgétaire pour les bas revenus."

Le problème, ce sont ainsi les foyers trop pauvres pour cotiser à une mutuelle, mais pas suffisamment pour toucher la Couverture maladie universelle (CMU), qui rembourse intégralement les dépenses de santé et dont bénéficient 3,8 millions de personnes. "Chaque jour, je rencontre des patients qui abandonnent une mutuelle qu'ils ne peuvent plus financer, se désole Mady Denantes, médecin généraliste à Paris. On se retrouve alors face à des situations dangereuses pour la santé lorsqu'ils doivent reporter des bilans de santé, des radios ou des échographies faute de pouvoir payer leur part."

Les seniors sont les plus touchés par ce phénomène. Leurs cotisations sont en effet plus chères — puisque les tarifs dépendent de l'âge — avec 100 euros en moyenne par mois, soit 6 % de leurs revenus. Un poids dans le budget deux fois et demi plus élevé que pour la population générale. Selon les calculs de l'UFC-Que Choisir, même sans nouveaux transferts de remboursement de la Sécu vers les complémentaires, les taux d'effort de cette population pour se financer une complémentaire devrait s'élever à 8,9 % en 2020.

 MOINDRE COUVERTURE

De manière plus insidieuse, l'augmentation des tarifs des mutuelles se traduit aussi par le choix de se rabattre sur des contrats moins protecteurs. La moitié des assurés sont ainsi couverts par un contrat de mutuelle individuel, qu'ils choisissent de souscrire, à l'inverse des contrats d'entreprise. "Face aux augmentations répétées, beaucoup de Français descendent en gamme, et font l'impasse sur l'optique, les frais dentaires ou les dépassements d'honoraires, explique Mathieu Escot. C'est un vrai problème, qui va déboucher sur une population moins bien soignée."

Le système est par ailleurs injuste, selon les professionnels de santé. "Le gouvernement fait basculer les coûts de l'assurance maladie, système solidaire par essence, vers les complémentaires, dont les tarifs ne sont pas adaptés aux revenus de chacun, regrette le Collectif interassociatif sur la santé, qui représente les patients. Au final, c'est la santé qui en pâtit."

Audrey Garric
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