Vous trouverez à suivre certaines de mes interventions lors du débat au Sénat sur le projet de loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe.
Séance du lundi 8 avril
M. le
président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André
Trillard. Madame la garde des sceaux, lors du débat à l’Assemblée nationale, vous avez tenu les propos suivants :
« Le mariage est une institution conservatrice en ce sens qu’elle témoigne d’un ordre passé. » Dans votre bouche, ces paroles n’étaient pas très élogieuses pour le mariage, vous en
conviendrez.
À vous entendre, le mariage serait donc une institution désuète, qu’il s’agit de briser. Dans ces conditions, pourquoi ne pas opter pour
notre proposition d’union civile ?
La vérité, mes chers collègues, c’est que le projet de loi, tel qu’il est rédigé – j’insiste sur ce point –, répond plus à une
demande minoritaire qu’à un réel souci de placer la famille, toutes les familles, au cœur de la réflexion.
Je le reconnais bien volontiers, la famille a évolué. Nous devons prendre acte de ces évolutions en mettant en place un cadre légal,
notamment pour les couples de personnes de même sexe. Ces couples doivent pouvoir organiser leur vie commune comme les couples hétérosexuels, mais, à la vérité, j’en suis intimement convaincu,
nous n’avons pas besoin d’instaurer le mariage homosexuel pour cela.
Faire croire aux Français que le mariage et l’adoption peuvent être disjoints et que l’on pourrait être à la fois pour l’un et contre
l’autre est un leurre. Le mariage est lié à l’adoption et à la parentalité. Or, sur les quelques dizaines de milliers de couples homosexuels de notre pays, combien sont réellement en situation
de recourir à l’adoption conjointe ou à une PMA réalisée à l’étranger ? Pas plus de 5 000 ! C’est donc non pas de l’adoption dont il faut parler, mais du statut des
beaux-parents.
Toutes ces questions sont extrêmement importantes, car elles se rattachent à de véritables sujets de préoccupation pour les Français. C’est
de ce genre de sujets que vous devriez vous saisir si vous voulez prendre la peine de vous placer du point de vue de l’intérêt des enfants. Mais est-ce vraiment ce qui vous préoccupe
aujourd'hui ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Cécile
Cukierman.Pas de faux procès !
M. André
Trillard.Quoi qu’il en soit, nos concitoyens se disent favorables au mariage pour les couples homosexuels, mais opposés à
l’adoption, à la PMA et à la GPA. C’est probablement pour cette raison que vous avez rejeté notre motion référendaire !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh
oui !
M. André
Trillard. En réalité, nos concitoyens, même ceux qui défilent dans la rue et que vous taxez d’être homophobes,
réactionnaires ou rétrogrades, sont favorables à la sécurisation des couples homosexuels. Cela se traduit, me semble-t-il, par leur volonté de voir les pouvoirs publics accorder une place plus
importante à l’union de ceux-ci.
L’alternative au mariage que nous proposons est sans ambiguïté : elle consiste à ouvrir le régime patrimonial du mariage aux couples de
personnes de même sexe par la voie de l’union civile. Tous les couples disposeraient des mêmes droits en matière d’héritage, de pensions, de communauté de biens, et devraient observer les mêmes
devoirs : respect, fidélité, secours et assistance.
Par ailleurs, les demandes des couples homosexuels en matière de solennité et de reconnaissance juridique de leur union seraient prises en
compte.
Pour autant, et pour les raisons que nous avons explicitées, nous estimons que les droits extrapatrimoniaux doivent être limités à
l’ouverture de l’accès à l’adoption simple pour les couples homosexuels. Si l’on y ajoute les droits que le juge reconnaît d’ores et déjà au conjoint homosexuel en matière d’adoption
testamentaire et de possession d’état, nous estimons que ce dispositif suffit à assurer la sauvegarde de l’intérêt de l’enfant en termes d’affection, d’éducation, d’autorité parentale.
Aller plus loin serait remettre en cause, vous l’aurez compris, les principes de la filiation qui permettent jusqu’à maintenant d’établir
une filiation claire et lisible, ouvrant aux enfants la possibilité de reconstruire l’histoire de leur origine.
Ne parlons pas pour l’heure de toutes les questions bioéthiques soulevées par les discussions à l’Assemblée nationale et au Sénat. Nous
aurons l’occasion d’y revenir.
Cela étant, puisque nous sommes une bonne dizaine de vétérinaires à siéger dans cette enceinte (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.),…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Quel
est le rapport ?
M. André
Trillard.… je rappellerai que les membres de cette profession pratiquent le transfert d’embryons à seule fin
d’améliorer les races. (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe
écologiste.)
Un sénateur du groupe socialiste. Quelle
élégance !
M. André
Trillard.Pourquoi le Gouvernement ne se pose-t-il pas la question de l’égalité des enfants ? Certains seront en effet
privés du droit d’avoir un père ou une mère.
Ce texte instaure d’ailleurs d’autres inégalités.
Il s’agit tout d’abord d’inégalités au sein même du mariage : si le projet de loi est adopté, le principe d’unité du mariage
disparaîtra. Il existera un mariage « hétérosexuel », qui continuera de garantir à l’enfant une double filiation par le biais de la présomption de paternité, et un mariage
« homosexuel », où la filiation tiendrait du virtuel.
Il s’agit ensuite d’inégalités entre les couples homosexuels : l’honnêteté du Gouvernement sur la question de la PMA aurait dû
nous permettre de discuter sereinement d’un dispositif qui introduira prochainement une inégalité certaine entre les couples homosexuels sur le simple fondement de leur sexe, les hommes étant
pour l’instant privés du recours à la GPA.
Il s’agit enfin d’inégalités entre les enfants adoptés, la majorité d’entre eux étant ressortissants de pays qui n’acceptent pas l’union
homosexuelle. C'est pourquoi, selon l’orientation sexuelle des candidats à l’adoption, les enfants ne disposeront pas des mêmes droits d’accéder à une famille.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe et nous voterons l’amendement
présenté par M. Gélard. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)