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17 septembre 2011 6 17 /09 /septembre /2011 14:52
Contre les prières de rue, une nouvelle mosquée déjà comble

LEMONDE.FR | 16.09.11 | 20h54

  
 
 

 

La première prière du vendredi, le 16 septembre, dans le nouveau lieu de culte du XVIIIe arrondissement de Paris, boulevard Ney.

La première prière du vendredi, le 16 septembre, dans le nouveau lieu de culte du XVIIIe arrondissement de Paris, boulevard Ney.Angela Bolis

 

Les prières de rue, c'est terminé, a assuré le ministre de l'intérieur Claude Guéant. Décision soudaine, qui est venue rompre une vieille habitude du quartier de la Goutte d'Or, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Le phénomène, en effet, concernait près de 3 000 fidèles musulmans, et ce depuis une vingtaine d'années.

A partir de ce vendredi 16 septembre, les fidèles de la mosquée de la rue Myhra et de la rue Polonceau ne seront plus contraints de prier sur le bitume, faute de place dans leurs lieux de culte. Les associations musulmanes ont trouvé un accord avec la préfecture pour délocaliser la grande prière du vendredi dans une ancienne caserne désaffectée. Elle est située à trois stations de métro de là, porte de Clignancourt, plus exactement boulevard Ney. Une solution transitoire, en attendant l'ouverture d'un Institut des cultures d'islam dans le quartier, prévue en 2013.

Pour l'heure, l'information n'est manifestement pas arrivée aux oreilles de tout le monde rue Myrha. Une heure avant la grande prière de 14 heures, les premiers fidèles arrivent, butant sur la porte de la mosquée fermée. Placardé dessus, un écriteau indique le chemin.

Devant l'échoppe jouxtant l'édifice, Samir s'interroge : "Je ne comprends pas pourquoi ils l'ont fermé. La caserne devrait être un complément pour ceux qui n'ont pas de place. Ils vont avoir le même problème là-bas..." La suite lui donnera raison.

 

Devant la mosquée fermée de la rue Myhra, le vendredi 16 septembre 2011, une affichette indique comment se rendre au nouveau lieu de culte.

Devant la mosquée fermée de la rue Myhra, le vendredi 16 septembre 2011, une affichette indique comment se rendre au nouveau lieu de culte.Angela Bolis

 

A deux pas de là, rue Polonceau, les fidèles ne semblent pas plus au courant du changement de programme. L'imam, Moussa Niambélé, reste jusqu'au dernier moment devant sa mosquée, indiquant le chemin de la caserne à ceux qui, venus prier, voient avec surprise leurs habitudes chamboulées.

Du coup, les commentaires vont bon train. "Pourquoi faire tant d'histoires pour ces prières, alors que je vois régulièrement des femmes se faire agresser dans ce quartier. Et ça, personne ne s'en préoccupe." "Ils ont interdit la prière ici ? Décidément, en France, on ose à peine dire qu'on est musulman", répond un autre homme. Certains fidèles viennent de banlieue pour écouter le prêche rue Myrha et rue Polonceau. Parce qu'ils aiment particulièrement ces imams, qu'ils travaillent dans le quartier, ou simplement qu'ils y passent faire des courses.

Moussa Niambélé, lui, file prestement par la rue des Poissonniers : "C'est l'heure !"

 

L'imam de la mosquée Al Fath, rue Polonceau, oriente les fidèles vers le nouveau lieu de culte, vendredi 16 septembre 2011.

L'imam de la mosquée Al Fath, rue Polonceau, oriente les fidèles vers le nouveau lieu de culte, vendredi 16 septembre 2011.Angela Bolis

 

Depuis le métro ou des deux mosquées parisiennes, une file de fidèles afflue vers la caserne. Le bâtiment peut contenir, dans deux grandes salles, 2 500 personnes. Il n'est pas encore tout à fait aménagé, ouvert quelque peu dans la précipitation pour mettre un terme aux prières de rue. Des travaux sont prévus pour la sécurité et l'aménagement des lieux de cultes.

 

Arrivée à la nouvelle mosquée, aménagée dans une ancienne caserne, boulevard Ney.

Arrivée à la nouvelle mosquée, aménagée dans une ancienne caserne, boulevard Ney.Angela Bolis

 

Le recteur de la mosquée de la rue Myrha, cheik Mohammed Salah Hamza, entame son discours. "Le terrain appartient à l'Etat. Mon souhait, c'est qu'ils nous le vendent et qu'on y construise une belle mosquée, inch'Allah", dit-il, laissant entrevoir le souci, pour les musulmans du quartier, de pérenniser ce vaste lieu de culte parisien.

Puis vient l'imam. Son prêche portera sur le stress et les risques de dépression, causés par "la course acharnée, dans ce bas-monde, vers plus de profit, plus de consommation, suivre la mode..." Pendant ce temps, la salle se remplit, bientôt comble. Les derniers tapis sont posés sur le moindre espace restant.

 

Prêche de l'imam dans l'ancienne caserne aménagée.

Prêche de l'imam dans l'ancienne caserne aménagée.Angela Bolis

 

Force est de constater que ce nouveau lieu de culte est, lui aussi, trop étroit pour accueillir tous les fidèles. De grands tapis sont déroulés en hâte à l'extérieur de la caserne. Pour ce premier jour, l'organisation n'est pas encore bien rôdée : faute de hauts-parleurs, les fidèles entendent davantage les crépitements des flashs des photographes que le prêche de l'imam.

"Finalement, on prie quand même dehors. A la différence qu'ici, personne ne nous voit", ironise Abdel-Aziz. Mais pour le jeune homme, faisant écho à un discours largement partagé chez les musulmans présents, tout vaut mieux que de prier dans la rue, en bloquant la circulation, au milieu des passants, entre les pneus de voiture... "Les trois quart des gens présents ici sont pour ce nouveau lieu de culte, explique-t-il. On ne recherche pas le confort, on peut prier lorsqu'il fait -20 °C s'il le faut ! Mais on demande juste un lieu approprié."

 

Des fidèles ont dû s'installer à l'extérieur du bâtiment, celui-ci n'étant pas assez grand.

Des fidèles ont dû s'installer à l'extérieur du bâtiment, celui-ci n'étant pas assez grand.Angela Bolis

 

Certains, en tout cas, ne sont pas du même avis. Une dizaine de jeunes débarqueny soudain, précédés par leurs cris "Allah Aqbar" ("Dieu est grand"). Et décidés à en découdre. Ils se réclament du groupuscule radical "Forsane Alliza", qui a déjà appelé à la "résistance" sur son site Internet face à l'interdiction des prières de rues. Retenus par la sécurité, entourés par les caméras des journalistes, les membres du petit groupe sont à deux doigts d'en venir aux mains.

Autour, les fidèles musulmans se disent choqués et prennent soin de se dissocier des agitateurs. Zakaria, habitant du quartier depuis cinquante-cinq ans, n'a jamais vu ces jeunes. Que disent-ils ? "N'importe quoi. Ils ne priaient pas dans la mosquée de la rue Myrha, mais ils demandent qu'on reste là-bas. C'est une honte. On vient pour la prière sacrée du vendredi, pas pour se battre."

 

Devant l'ancienne caserne, un groupe de jeunes proteste contre le changement de lieu de la prière.

Devant l'ancienne caserne, un groupe de jeunes proteste contre le changement de lieu de la prière.Angela Bolis

 

Le groupe évacué, la prière commence. C'est finalement dans la convialité que repartent ensuite les milliers de musulmans venus prier, pour la première fois, dans ce lieu de culte atypique.

 

 

Angela Bolis
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