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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 09:32

LEMONDE.FR | 14.01.12 | 11h04   •  Mis à jour le 16.01.12 | 08h55

 

 

Organisés en binômes, les analystes de Moody's, Standard &Poor's et Fitch suivent chacun plusieurs Etats.

Organisés en binômes, les analystes de Moody's, Standard &Poor's et Fitch suivent chacun plusieurs Etats.AP/Remy de la Mauviniere

Noter un Etat – que l'on travaille chez Fitch, Standard &Poor's (S &P) ou Moody's– est un processus long et codifié. Au départ, une équipe de deux analystes – le processus est le même pour une entreprise –, un expérimenté et un plus jeune. Chez S &P, ils sont une petite quarantaine à observer – toujours en binôme – les 127 Etats notés par l'agence et les organismes publics.

Polyglottes, avec une formation économique, voire d'ingénieur, ils perçoivent des salaires confortables, mais très loin de certains standards du monde de la finance : environ 45000 euros bruts par an pour un analyste junior et de 70000 à 120000 euros bruts pour un senior.

Les analystes de l'équipe "souveraine" de S &P couvrent en moyenne quatre à six pays, ainsi qu'une demi-douzaine d'organismes publics ou parapublics. "Les analystes sont souvent débordés, le sous-effectif est criant", juge un salarié d'une autre agence. "Pour certains, la pression est devenue intenable ces derniers temps", explique un fin connaisseur du milieu.

 ROTATION APRÈS QUELQUES ANNÉES

Pour ne pas qu'ils se lassent ou qu'ils s'attachent à leur sujet, la réglementation interne des agences impose aux analystes une rotation au bout de quelques années. Chez S &P, un Allemand et un Slovène couvrent la France depuis respectivement 2010 et 2007. Les deux analystes d'un pays recueillent les données publiques, qu'ils complètent au fil de l'actualité. Ils s'entretiennent régulièrement par téléphone, ou lors d'entretiens formels une fois par an au moins, avec des représentants de l'émetteur, jusqu'au ministre des finances, mais aussi des régulateurs, des banquiers centraux, voire des membres de l'opposition.

Ces données, à la fois quantitatives et qualitatives, sont ensuite passées à la moulinette de la "méthodologie" propre à chaque agence. Par exemple, Moody's se penche sur quatre facteurs: "la solidité économique du pays", notamment le poids de son économie et sa capacité à amortir les chocs; sa "solidité institutionnelle", c'est-à-dire sa disposition à mener des politiques lui permettant d'honorer ses dettes; la "solidité financière du gouvernement", à savoir le poids de sa dette et sa capacité à gérer une hausse de celle-ci; enfin, le "risque événementiel", comme les fluctuations économiques, une catastrophe naturelle… voire une guerre.

Finalement, c'est à un "comité de notation" qu'il revient de changer ou de maintenir la note. L'instance se réunit au minimum une fois par an, la plupart du temps par téléphone ou visioconférence. Selon les cas et les agences, elle réunit entre cinq et quinze personnes: les deux analystes ayant suivi l'Etat, des cadres de l'agence et d'autres analystes à Londres, NewYork ou Francfort, et dans le cas d'un Etat, au moins un spécialiste du secteur bancaire.

 "PEU DE RESSOURCES HUMAINES"

Le principe est simple : "un homme, une voix". Et toujours un nombre impair, afin qu'une majorité se dégage. "L'analyste principal prend la parole le premier, expose son argumentation et sa recommandation de note, raconte un ancien de Moody's. Il est ensuite bombardé de questions, poussé dans ses retranchements. Puis chaque membre du comité parle, donne son avis et explique son vote. Les salariés les plus expérimentés parlent en dernier. L'objectif est d'arriver à une grande majorité pour que ce soit une opinion collective…"

"Il y a si peu de ressources humaines dans ces agences que, dans la pratique, ces comités regroupent un peu toujours les mêmes personnes, plus ou moins expertes, atteste un ancien chef de service de S&P.C'est pour se protéger des critiques que les agences refusent d'en révéler la composition…" "Des critères flous" Une fois la décision prise, l'agence informe l'émetteur. Celui-ci a alors douze heures pour rectifier d'éventuelles erreurs et faire appel de la décision… ou se préparer à l'annonce aux marchés.

"Ne croyez pas, au simple motif qu'on les craint et qu'elles sont trois à régner sur l'économie mondiale, que les agences y voient clair dans cette crise et qu'il y ait plus d'intelligence chez elles qu'ailleurs, avertit un ex-responsable de S &P. Les banques possèdent des bataillons d'économistes et d'analystes bien plus expérimentés, qui pourraient tout à fait se passer de leur analyse…" Un autre analyste conclut : "Les agences de notation n'ont pas vu venir la crise de 2008 pour les banques. Aujourd'hui que tangue la zone euro, elles ouvrent grand les parapluies. Leurs critères de notation n'ont jamais semblé aussi flous, leurs justifications malhabiles…" "Une chose est sûre, renchérit cet autre économiste d'une grande banque, on a changé de monde, les triple A ne seront bientôt plus qu'un souvenir."

Clément Lacombe et Anne Michel

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