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20 juin 2011 1 20 /06 /juin /2011 11:26

 

Gérald Andrieu – Marianne

Si les dirigeants du Parti socialiste disent comprendre la colère des « indignados » espagnols, jamais ils ne pointent du doigt celui qui a accepté que son pays connaisse les affres de l’austérité. Et pour cause, il s’agit de l’un des leurs, celui qui fut porté aux nues en France au moment de son accession au pouvoir : le patron socialiste du gouvernement ibérique, José Luis Rodríguez Zapatero.

(Photo: Federación Socialista Asturiana - Flickr - cc)

Ne pas accabler le camarade Zapatero, tout en comprenant la « désespérance » (dixit Martine Aubry) du peuple espagnol, c’est le délicat exercice d’équilibriste auquel se livre le Parti socialiste depuis plusieurs jours. Ce week-end, à l’occasion de la dernière Convention nationale du PS, la Première secrétaire a en effet évoqué à deux reprises « la dissidence politique et sociale qui commence à s’éveiller en Grèce et d’une autre façon, spectaculaire et peut-être annonciatrice, en Espagne. » Mais en se gardant bien de rappeler que dans ces deux pays, ce sont bel et bien des camarades socialistes qui ont les commandes, ce sont des camarades socialistes qui ont été infoutus d’avancer des plan B et ont accepté de mettre en place des politiques d’austérité, pliant ainsi sous la pression des marchés au détriment de leurs concitoyens.

Ce lundi matin encore, à l’occasion du point presse du parti, son porte-parole, Benoît Hamon en faisait autant. Certes, le dirigeant de l’aile gauche du parti allait beaucoup plus loin dans la critique des « politiques d’austérité » : « C’est bien ça qu’organisent aujourd’hui les politiques d’austérité : le désordre social par des politiques qui abattent méthodiquement les protections collectives, remettent en cause les modèles sociaux partout en Europe et produisent de la précarité, de la pauvreté, du chômage ». Et d’ajouter : « Il est inacceptable pour les citoyens européens — et nous partageons leurs protestations et leur révolte — que les responsables politiques européens, que les responsables du G8 n’aient pas d’autres réponses au désordre des marchés financiers que la mise en œuvre du désordre social partout en Europe. » « Inacceptable », il est vrai. Mais pour savoir qui, nommément, en Espagne, est responsable de la « mise en œuvre de ces politiques d’austérité qui considèrent que pour éviter le désordre des marchés financiers, il faut organiser le désordre social », il fallait être présent au point presse précédent.

Le 23 mai dernier, Benoît Hamon tournait beaucoup moins autour du pot : « La déroute électorale de nos camarades socialistes espagnols (…) est la conséquence directe de la mise en œuvre des politiques d’austérité ». Ce jour-là, le porte-parole du PS faisait bien le lien entre « politiques d’austérité » et « camarades socialistes espagnols », mais en précisant que ces mesures-là « s’imposent aujourd’hui au gouvernement espagnol comme elles s’imposent à une grande partie des gouvernements européens, évidemment au gouvernement portugais, au gouvernement irlandais, au gouvernement grec. » Par déduction, faut-il comprendre, par exemple, que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite s’imposait à la France ?

Il y a tout juste un an, lorsque que José Luis Zapatero avait pris le virage de l’austérité en annonçant une baisse de 5% des salaires des fonctionnaires, les responsables PS avaient été tout aussi gênés aux entournures. « Ça ne fait pas partie des mesures auxquelles on songe », assurait alors à Marianne le député du Rhône et ancien dirigent du Conseil d’analyse économique du PS Pierre-Alain Muet qui s’empressait de rappeler que « sous Jospin, les déficits [avaient] été réduits sans politique d’austérité ». Michel Sapin, le fidèle bras droit de François Hollande et ancien ministre de l’Économie de Pierre Bérégovoy, lui aussi, rejetait cette mesure du gouvernement Zapatero tout en se refusant à trop l’enfoncer au prétexte de la « particularité » et de la forme « brutale » de la crise espagnole. Il en est un, en revanche, qui à cette époque-là se montrait très virulent : « C’est une vraie saignée à destination des marchés, regrettait alors Razzy Hammadi, le secrétaire national chargé des services publics du PS proche de… Benoît Hamon, Le quidam se dira qu’il n’y a pas de différences entre la gauche et la droite. Il n’y retrouvera ni ses petits ni son pouvoir d’achat ! » Une critique prémonitoire puisqu’elle annonçait en creux la débâcle électorale de Zapatero et les siens d’il y a quelques jours.

Mais apparemment, au PS, les hauts dirigeants se refusent aujourd’hui à formuler pareille critique aussi clairement. Le Parti socialiste sait d’ailleurs très bien que, lui aussi, aura de grandes difficultés financières s’il parvient au pouvoir. Depuis des mois, ils étaient nombreux à expliquer en coulisses que la gauche devra faire avec une pénurie « d’argent public ». Un proche d’Aubry expliquait même que, dans la course à la présidentielle, « la plus grande difficulté [sera] de montrer que la rigueur fait partie du patrimoine de la gauche et qu’elle n’a rien à voir avec l’austérité ». Mais encore faudrait-il, pour parvenir à en convaincre les Français, dénoncer avec force l’austérité quand elle est mise en place par des dirigeants européens, fussent-ils des camarades…

Par Gaullistes de Bretagne et Pays de la Loire - Publié dans : Politique
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