Le coup d'éclat d'Athènes ouvre, jusqu'à janvier au moins, une nouvelle période d'incertitude, la pire des choses. REUTERS/THIERRY
ROGE
La zone euro a brutalement replongé dans l'instabilité, mardi 1er novembre, après l'annonce surprise d'un référendum en Grèce. Un
coup de poker qui menace le plan de sauvetage sur lequel les partenaires européens d'Athènes s'étaient laborieusement mis d'accord la semaine dernière et relance les craintes d'une faillite de
la Grèce et d'un éclatement de la zone euro.
Réuni en session extraordinaire dans la nuit de mardi à mercredi, le cabinet grec a approuvé "à l'unanimité" la tenue de ce référendum et la décision du premier ministre de
demander vendredi un vote de confiance du
Parlement, a indiqué le porte-parole du gouvernement Elias Mossialos. "Le référendum fournira un mandat clair, mais aussi un message clair à l'intérieur et à l'extérieur de la Grèce sur
notre engagement européen et notre appartenance à l'euro", a déclaré M. Papandréou lors de la réunion d'urgence du cabinet, selon un communiqué du gouvernement. "Nous devons
faire en sorte que les choses soient claires à
tous les points de vue, et je dirai au G20 qu'il faudra finalement adopter des politiques qui garantissent que la démocratie soit maintenue au-dessus des appétits des marchés", selon le communiqué.
Ce référendum pourrait se tenir dès le mois de
décembre, a indiqué mercredi le ministre de l'intérieur, Haris Kastanidis. "Il y a une possibilité d'organiser le référendum avant janvier, en décembre" si la Grèce et les partenaires
internationaux se mettent d'accord sur les modalités de l'accord de l'aide plus rapidement que prévu, a-t-il déclaré à la télévision publique.
>> Relire : "Le direct des événements de la
journée de mardi"
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Le spectre d'une faillite de la Grèce et d'une contagion à la zone euro refait surface
L'agence de notation Fitch a averti qu'un "non" des électeurs grecs menacerait la viabilité de toute la zone euro. Un rejet de l'accord européen conclu la semaine dernière
"augmente le risque d'un défaut forcé" de la Grèce et d'une éventuelle sortie de ce pays de la zone euro, avec de "graves conséquences financières pour la stabilité financière de
la zone euro", affirme l'agence.
Des craintes de déstabilisation qui ont été immédiatement ressenties sur les marchés boursiers, les Bourses européennes dévissant dès leur ouverture
mardi. Mercredi, les Bourses européennes ont rebondi à l'ouverture, avant de repasser à nouveau dans le rouge. Après avoir passé 2 % dans les premiers échanges, la Bourse de Paris a ainsi chuté de 0,40 % tandis que le CAC 40 lâchait à 10 h 54 0,34 %, à 3 057,95
points.
Si les Grecs devaient rejeter le plan européen,
on ne pourrait exclure une faillite de la
Grèce, a confirmé Jean-Claude Juncker, le président de l'Eurogroupe, sur la radio RTL. Le président de la Banque mondiale,
Robert Zoellick, a comparé le référendum à "un coup
de dés". "Si cela échoue, ce sera le bazar !", a-t-il averti. La question du maintien de la Grèce dans la zone euro est donc ouvertement posée.
>> Lire l'éditorial du Monde :
"La Grèce dans l'euro : la question se
pose"
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La majorité socialiste grecque fragilisée
L'annonce du référendum fragilise davantage le gouvernement Papandréou, qui va demander la confiance du Parlement lors d'un vote vendredi. La fronde de plusieurs parlementaires
socialistes, dont l'une a réclamé un gouvernement "de salut national" pour garantir l'exécution du plan de sauvetage, a réduit à 152 sur 300 le nombre de députés acquis à M.
Papandréou. Les rumeurs de démission ont, par ailleurs, couru tout au long de la journée.
Mais, dans la soirée, le premier ministre a réaffirmé qu'un référendum se tiendrait en janvier, à l'issue d'un conseil des ministres extraordinaire. Pour la plupart des analystes grecs, M.
Papandréou n'avait pas le choix, contraint de trouver une issue sur le plan intérieur face au refus catégorique de l'opposition de lui prêter main-forte et à une contestation sociale généralisée.
>> Lire : "La majorité grecque vacille"
Dans ce contexte politique tendu, Athènes a annoncé le remplacement de tout son état-major militaire. Un conseil de sécurité de l'Etat, réuni sous l'autorité de M. Papandréou, a remplacé les
quatre têtes de l'armée – le chef d'état-major des armées, les chefs d'état-major de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air –, et a déchargé de leurs fonctions une douzaine
d'officiers, a indiqué le ministère de la défense dans un communiqué.
Selon une source au sein du ministère, cette réunion était programmée depuis longtemps, et ce grand remaniement était prévu. Mais les partis d'opposition ont immédiatement attaqué le
gouvernement sur cette décision, le parti Nouvelle démocratie (opposition de droite) la qualifiant d'"antidémocratique". "Ceci renforce le climat d'incertitude et d'inquiétude dans
l'opinion publique", a renchéri la Gauche démocratique. Selon les analystes, les changements d'état-major militaire interviennent fréquemment avant une alternance politique anticipée, les
pouvoirs en place nommant des gens jugés favorables à leur camp.
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Indignation des dirigeants européens, la classe politique française plus modérée
Après un temps de latence, signe d'un important malaise dans les capitales européennes, les réactions de stupeur et d'indignation se sont multipliées parmi les dirigeants européens.
"Georges Papandréou porte une très lourde responsabilité" car il a créé de l'insécurité, a déclaré le chef du gouvernement belge, Yves Leterme.
>> Lire : "Papandréou porte une 'très lourde
responsabilité'"
En France, le député-maire UMP de Nice Christian
Estrosi, à l'instar d'autres membres de la majorité, a qualifié de "totalement irresponsable" la décision du premier ministre grec. Mais, dans l'opposition, une majorité de
responsables politiques, tels Arnaud Montebourg, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen, jugent "légitime" que les Grecs puissent donner leur avis sur le plan d'aide qui vise leur pays.
>> Lire : "Référendum grec : l'UMP remontée,
l'opposition compréhensive"
Une fois la surprise passée, les dirigeants européens tentaient mardi d'éteindre l'incendie, dans une atmosphère de branle-bas de combat. Le président Nicolas Sarkozy
s'est entretenu par téléphone avec la chancelière allemande, Angela Merkel. Les deux leaders se sont dit "déterminés" à faire appliquer le plan de sauvetage et ont souhaité l'adoption, "rapidement", d'une "feuille de route". L'accord est "la seule voie possible pour
résoudre le problème de la dette
grecque", a martelé Nicolas Sarkozy à l'issue
d'une réunion interministérielle à l'Elysée.
La chef d'Etat allemande et le président français, ainsi que les dirigeants de l'Union européenne et du Fonds monétaire international, ont, par ailleurs, décidé de se réunir dès mercredi à 19 heures à Cannes, pour un
dîner de travail, avant une réunion de crise
avec M. Papandréou dans la soirée. Une réunion de crise à laquelle le nouveau président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, ne se rendra pas, a indiqué mercredi un porte-parole de l'institution financière. "Mario Draghi
se rendra à Cannes après la conférence de presse demain [jeudi] qui suivra la réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE, comme prévu", a précisé le porte-parole.
Enfin, l'Institut de la finance internationale, qui représente les grandes banques du monde, a fait savoir qu'il s'en tenait à l'accord de Bruxelles, qui prévoit une recapitalisation des banques
européennes afin qu'elles puissent réduire
de 50 % leurs créances sur la Grèce, et a "réaffirmé son intention d'aller de l'avant".
En revanche, Michael
Kemmer, le président de l'association du secteur bancaire allemand, a estimé mercredi qu'une décote sur la dette grecque n'a pas de sens avant la tenue du référendum. "Je ne peux
imaginer qu'un échange de dette ait lieu avant
le référendum", a-t-il dit à la presse, estimant que si les préparatifs suivaient leur cours, aucune mesure définitive ne devait être prise avant. Il a ajouté s'attendre à une large approbation par les créanciers privés d'une décote accrue sur la dette grecque.
"Le plan adopté jeudi dernier à l'unanimité par les 17 États de la zone euro est la seule voie possible pour résoudre le problème de la dette grecque", a déclaré Nicolas Sarkozy
mardi.Reuters/BENOIT TESSIER